Vieillir en huis clos / De la surprotection aux abus

Polard José;Linx Patrick

ERES







Extrait

Notre projet Il y a quinze ans, nous faisions le constat suivant à partir de situations en institutions gériatriques ; situations fort banales où la protection d'une personne âgée pouvait aller pour certains (soignants et proches) jusqu'à ne pas dire telle vérité supposée insupportable. Voilà comment nous le présentions à l'époque. Comment ne pas être frappé dans la pratique gériatrique par ce questionnement récurrent qui embarrasse tant de familles : faut-il révéler ou bien taire cette nouvelle ou la survenue de cet événement, en informer la personne âgée vulnérable ou non ? Sans vouloir minimiser l'extrême dépendance et la fragilité de ces personnes âgées en institution qui nécessitent un aménagement spécifique des soins, force est de constater l'extrême difficulté de bon nombre de familles à annoncer à leurs parents ou grands-parents les mauvaises nouvelles et les révélations d'événements à forte portée émotionnelle. L'expérience clinique en institution nous livre de très nombreux exemples de situations où l'homéostasie familiale semble mise en danger par l'annonce, la révélation à une personne âgée d'un événement perçu comme traumatisant. Lorsque la décision de ne pas lui dire est prise prétendument pour son bien ou en vue de la protéger, s'installe souvent, avec une intention définitive et radicale, un huis clos qui l'isole, la disqualifie subjectivement et augmente du même coup sa dépendance. Le sujet âgé devient alors objet de multiples précautions et de soins. Il se retrouve isolé du monde et de l'entourage immédiat. Dans le souci de le prémunir contre une violence supposée le détruire, on le surprotège à outrance. Nous sommes régulièrement confrontés aux effets de violences psychiques particulièrement déstructurants d'un tel dispositif, que la personne réside en institution ou bénéficie de soins à domicile. On peut se demander à quoi répond cette nécessité impérative de maintenir une telle emprise sur l'autre ? Qui s'agit-il de protéger ? La personne âgée ? Sa protectrice ou son protecteur ? Et si oui, de quelle menace ? Notre réflexion commune s'est peu à peu poursuivie dans les champs gérontologique, psychologique et psychanalytique, à travers des publications et interventions, et aussi la tenue d'un séminaire commun, à Espace analytique : «Le cercle de la psychanalyse du sujet âgé». Mais sans jamais abandonner cette notion de huis clos, l'enrichissant même, la complétant, la précisant, à partir d'entretiens avec les sujets âgés et leur famille, et de retours faits par des professionnels sur le terrain, intéressés par les mêmes constats, qui finirent par valider en quelque sorte sa pertinence et son utilité. La politique de santé s'étant considérablement développée ces dernières années, en favorisant le maintien à domicile, nous avons retrouvé ces situations de huis clos, de plus en plus souvent, au domicile des personnes âgées ; elles mettaient en difficulté les intervenants, et en péril les prises en charge. Avec à chaque fois, des équipes souffrant d'inhibition de l'action et de la pensée, ou bien conduites à des passages à l'acte. Et toujours à l'oeuvre ces terribles liens d'emprise, bien plus fréquents qu'on ne le croit dans la vie quotidienne. Rapidement, un lien s'est imposé avec nos autres expériences cliniques : conjugales, familiales, sociétales, où nous repérions les mêmes invariants du huis clos..., et particulièrement dans toutes les configurations familiales. (...)



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EAN
9782749242484
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