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La ruine du Qin. Ascension, triomphe et mort du premier empereur de Chine

Thierry François

VUIBERT

Extrait du prologue

Le Premier Empereur, Qin Shihuangdi, a été, et est encore, un mythe dont la statue colossale a été érigée par ses détracteurs mêmes; c'est un symbole qui, depuis plus de deux mille ans, est le marqueur de positions politiques et philosophiques de la Chine. Jusqu'à très récemment, on ne le connaissait que par les sources écrites issues de la tradition Hàn, c'est-à-dire la tradition de ceux qui se sont dressés contre son personnage et son pouvoir et qui ont fondé leur légitimité sur les ruines de son empire. Dans l'historiographie, comme dans la littérature, comme dans l'opinion populaire, il fut donc le parangon du mal, de la tyrannie, de la violence et de la cruauté. Son histoire fut racontée comme le négatif des fondements des valeurs confucéennes: bienveillance, humanité, justice, modération et respect de l'éducation. C'est un peu comme si l'histoire de Napoléon n'était connue que par les témoignages des prêtres réfractaires, les souvenirs des émigrés de Coblence, les caricatures de Gillray ou les historiens officiels de la cour de Charles X...
De nombreux historiens occidentaux, au contraire, se sont emparés du personnage et ont élevé un monument à la gloire infernale du Premier Empereur: ils l'ont comparé qui à Alexandre, qui à César, qui à Louis XI, qui à Richelieu, puis enfin à Staline et bien sûr à Mao. Et pourtant, Qin Shihuangdi n'avait ni le génie militaire et la vision universaliste d'un Alexandre, ni l'esprit de décision et d'analyse d'un César, ni le sens de l'État et le sang-froid d'un Richelieu; tout au plus partage-t-il avec Louis XI, Staline et Mao un certain degré de paranoïa.
Après la prise du pouvoir par le parti communiste Chinois, Qin Shihuangdi passa de l'ordre du mal absolu à celui du modèle: dans la théorie de la succession des stades de développement historique figée par le stalinisme, Shihuangdi devint celui qui fit faire à la Chine le pas décisif du stade esclavagiste au stade féodal en consolidant les acquis politiques et sociaux du nouveau mode de production. On en fit le champion de l'unité nationale, celui qui s'opposa le plus fermement au confucianisme, corpus idéologique millénaire de la Chine réactionnaire, et au culte du passé. Les valeurs de bienveillance, d'humanité, de justice et de modération n'ont pas plus de place dans un régime de dictature du prolétariat que dans l'empire de Qin. Durant la Révolution culturelle, l'appréciation portée sur Shihuangdi fut l'un des critères d'évaluation des intellectuels et des politiques: celui que l'on appelait «le plus proche compagnon d'armes» du président Mao, Lin Biao, aurait ainsi démontré sa perverse nature de classe en s'opposant à la réévaluation du rôle de Qin Shihuangdi. Mao en fit son modèle et se vantait de l'avoir surpassé dans la répression des intellectuels mal pensants. Bien qu'en Chine comme à l'étranger on ait «réévalué» sa place dans l'histoire et son apport à la construction de la nation chinoise, il reste dans la littérature, historique ou non, un personnage hors norme. La découverte de l'armée de terre, «les soldats de l'éternité», n'a fait que rehausser le prestige de l'empereur à un niveau inégalé: elle offrait au monde ébloui «un spectacle fabuleux et grandiose pour l'histoire culturelle de l'humanité» (Yuan Zhongyi, directeur du musée de l'Armée en terre cuite du Premier Empereur).


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EAN
9782311010329
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