La guerre mondiale 1914-1918

Pétain Philippe - Ferro Marc - Dumur Jean-Jacques

PRIVAT







Extrait

Extrait de l'avant-propos de Marc Ferro Voici un texte qui, à lire le bel essai historiographique d'Antoine Prost et Jay Winter, ne peut qu'appartenir à la première strate des histoires de la Grande Guerre. Y dominent les événements diplomatiques et militaires. Ici, la part de la diplomatie ressort de la portion congrue : les causes de la guerre occupent une page, pas deux, sur 351 du manuscrit. Quant à l'histoire militaire, elle comporte la description des plans de guerre et un déroulé exhaustif de toutes les batailles, avec 77 croquis soigneusement dessinés. Cette «histoire-bataille» est, au vrai, une suite d'affrontements entre les chefs qui les ordonnancent. Dès la page 22, notre lanterne est éclairée : lre armée, général Dubail contre général von Kluck ; 2e armée, général de Castelnau contre général von Biilovv, etc. Chaque bataille est décrite avec la sécheresse d'un rapport d'huissier : marches et contre-marches, offensives et retraites, contre-offensives et manoeuvres d'enveloppement, etc. Aucun ouvrage de cette époque, même celui d'Henry Bidou dans la grande Histoire d'Ernest Lavisse, n'est aussi précis. «Précis-le-Sec», disait-on à l'époque du général Pétain. Alors qu'aujourd'hui, dans les manuels scolaires, ont pratiquement disparu les noms de tous les chefs militaires de la Grande Guerre, on les trouve ici. Ce texte est une stèle à la mémoire des généraux inconnus... Autre constatation associée à notre temps : partout et chaque jour on entend et lit dans les médias qu'en France l'Histoire est trop tournée vers soi, pas assez vers le monde extérieur. Or, ce texte sur la Guerre mondiale 1914-1918 ne corrobore pas ce jugement. La guerre sur les fronts français et belge occupe tout juste la moitié de l'ouvrage, les opérations au Tanganyika mobilisant autant de pages que la bataille de la Somme... Pareil équilibre interpelle quelque peu - on y reviendra. Si aucune bataille ne manque à l'appel, ni aucun général, les soldats par contre sont quasiment absents de ce texte. Sans doute cela tient-il en partie au fait que, comme dans la majorité des ouvrages écrits durant ces années d'après-guerre, on juge que, dans sa tranchée, le poilu n'est pas à même de donner un point de vue informé sur le déroulement du conflit. Il reste que sont complètement ignorées la vie et la souffrance des combattants, les violences de la guerre de tranchées comme de la guerre de mouvement. Surtout, ce type d'histoire ignore les affres et sentiments de ceux qui dominent leur colère contre «les planqués qui, à l'arrière, se la coulent douce pendant que nous on crève». Sans parler du soupçon qui taraude les combattants et qui concerne la fidélité de leur compagne... Avant Jacques Meyer, André Ducasse et Gabriel Perreux en 1959, nul historien civil ou militaire n'a abordé ces problèmes. C'est le roman et le cinéma qui s'en sont emparés : Erich Maria Remarque et Georg Wilhelm Pabst en Allemagne, Raymond Radiguet et Claude Autant-Lara en France, John Wilson et Joseph Losey chez les Anglo-Saxons, d'autres à leur suite... Inversement, cette Guerre mondiale évoque les mutineries et le refus de se battre, quitte, pour l'auteur, à tirer son képi à celui qui sut y mettre fin : Malgré nos victoires locales et malgré l'usure des forces ennemies il fallait bien reconnaître que notre grande offensive du printemps [1917] n'avait pas réalisé toutes les espérances escomptées [...]. À l'arrière, et même sur le front, une propagande "pacifiste" et même "défaitiste" se fit jour. Dans quelques régiments se produisirent des mutineries et des crises de discipline. Le général Pétain, nommé le 17 mai [...] en remplacement du général Nivelle, eut le mérite de conjurer ces crises passagères par son souci d'améliorer les conditions matérielles et morales du soldat.



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EAN
9782708969612
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