Parsifal et l'enchanteur. Louis II et Wagner

Montenz Nicola ; Lesage Marc

LATTES

LA DÉFAITE ET LE MIRACLEÀ Mariafeld, dans le canton de Zurich, le printemps s'annonçait menaçant. Invité chez Eliza Wille, à contrecoeur - l'homme se montrait, à vrai dire, assez déplaisant -, Richard Wagner passait ses journées plongé dans la lecture et ses nuits agité de rêves angoissants. Sur le piano que lui avaient envoyé les époux Wesendonck s'étalait la partition des Maîtres chanteurs de Nuremberg, inachevée, et probablement destinée à l'oubli - comme Tristan et Isolde et L'Anneau des Nibelungen, dont le Maître n'avait complété que le prologue et la première journée. Son existence semblait avoir atteint un point de non-retour. «Une lumière doit m'apparaître: un homme doit venir à moi et m'offrir, maintenant, une aide décisive»: voilà ce qu'il écrivait le 8 avril 1864 au compositeur Peter Cornélius, son ami intime depuis quelques années. «C'est un miracle dont j'ai besoin, un bon miracle, véritablement charitable; autrement, ce sera la fin.»Mais si l'on considère la cause d'un tel désespoir - sa fuite soudaine loin de Vienne, à la suite d'une énième banqueroute -, le découragement du compositeur en paraît presque excessif. Dans les faits, il était sorti indemne d'une révolution, d'une succession de tourments amoureux et d'autant de catastrophes financières, après avoir collectionné, de surcroît, bon nombre d'échecs professionnels - et non des moindres. Le dernier séisme en date n'était autre que celui qui l'avait contraint à abandonner Paris pour trouver meilleure fortune en Autriche: le fiasco retentissant de Tannhäuser à la salle Le Peletier - un fiasco politique, plus que musical, orchestré par les membres du Jockey Club, armés de sifflets d'argent et prêts à déclencher un tohu-bohu de tous les diables pendant la représentation.Pourtant, au mois d'avril 1864, Wagner était dans l'incapacité de réagir. Il avait touché le fond, et c'était vraisemblablement l'unique certitude à laquelle il pouvait se raccrocher. Autour de lui, c'était le désert. Voilà des années qu'il abusait (et le mot est faible!) de la bonté de ses amis, au point que ces derniers redoutaient même de découvrir un mot du compositeur dans leur boîte aux lettres. Tous prenaient la tangente, y compris Franz Schott, son éditeur, qui, depuis bientôt deux ans, lui fermait les cordons de sa bourse, tout en lui recommandant de se trouver «un banquier immensément fortuné ou un prince riche à millions». Un conseil autant qu'une pique, qui touchait par ailleurs une corde sensible: cette même année (1862), à l'heure d'imprimer les quatre drames de l'Anneau des Nibelungen, Wagner avait précisément invoqué un «prince» qui, défendant sa cause, permettrait à la Zukunfismusik - la Musique de l'Avenir - d'éclairer les peuples de son message.(...)

24,55 €
Disponible sur commande
EAN
9782709639507
Découvrez également sur ce thème nos catégories Histoire de la musique , Interprètes classiques , Opéra dans la section Musique classique