L'homme vertical

Longo Davide - Vittoz Dominique

STOCK

Leonardo écarta le rideau et jeta un long regard dans la cour où stationnaient trois voitures, dont la sienne. Un grillage de trois mètres de haut surmonté de barbelés entourait l'esplanade. La veille au soir, aveuglé par la lumière que le gardien avait braquée sur lui, il avait deviné la silhouette de la tour, à présent il voyait qu'elle avait été construite d'une main experte avec de vieux panneaux publicitaires, de la tôle, des bouts de balustrade, une cabine de douche et une échelle d'incendie. Des deux projecteurs qui la surmontaient, l'un était pointé sur la cour, tandis que l'autre était tourné vers le néant désolé qui régnait au-delà de la clôture.
Il regarda la campagne envahie de broussailles où la route s'enfonçait en décrivant de temps à autre des virages qu'aucun obstacle ne justifiait. Le ciel à perte de vue était d'un gris monotone, sans éclaircies, semblable à celui des jours précédents.
Un homme apparut dans la cour.
Leonardo l'observa pendant qu'il se dirigeait à pas lents vers les voitures, tournait autour en lorgnant par les vitres. Il portait un blouson de cuir et un pantalon à grandes poches sur le côté. La trentaine, un corps massif de rugbyman.
«Et pourquoi pas cette nuit?» pensa Leonardo quand il le vit s'arrêter derrière sa Polar break.
L'individu sortit de sa poche un tournevis ou un couteau et, d'un simple geste, ouvrit le coffre.
Il observa un instant les jerrycans, essayant sans doute de deviner leur contenu, puis il dévissa un bouchon et le flaira. S'étant assuré de la marchandise, il le replaça, empoigna un des quatre récipients et, après avoir refermé le coffre, repartit aussi lentement qu'il était arrivé.
Leonardo laissa retomber le rideau et s'approcha de la table de nuit où il avait posé une bouteille d'eau. Il en but une gorgée, puis s'assit sur le lit. Il entendit des pas dans le couloir, ainsi que le bruit d'un objet roulant qu'on poussait vers l'escalier.
Il avait longuement hésité la veille au soir, au moment de décider s'il valait mieux laisser les jerrycans dans la voiture ou les monter dans sa chambre, mais, en y repensant, il conclut qu'il avait opté pour la bonne solution, ou la moins mauvaise, et que les choses auraient été pires si les jerrycans s'étaient trouvés dans la chambre.
Il alla dans la salle de bains, prit sa trousse de toilette sur l'étagère pour la ranger dans le sac de voyage préparé sur le lit. Il glissa dans une poche latérale le tee-shirt et le slip dont il avait changé après sa douche, puis il enfila sa veste et quitta la chambre en laissant la clé sur la porte, ainsi qu'on le lui avait demandé.
En longeant le couloir, il laissa courir son regard sur les tableaux au mur: faisans morts sur des tables en bois, corbeilles de fruits et vaisselle en étain. Il flottait la même odeur de légumes bouillis que la veille, mais, après la pluie de la nuit, la moquette dégageait une senteur humide de sous-bois.

34,80 €
Disponible sur commande
EAN
9782234069466
Image non contractuelle