Y a-t-il encore une petite enfance ? Le bébé à corps et à coeur

Giampino Sylviane

ERES

Extrait de l'introduction de Sylvïane GiampinoUne approche du bébé par le corps psychique et le coeur?Cette nouvelle conscience, datant d'une soixantaine d'années, des enjeux spécifiques de la petite enfance, fut une révolution des petits pas en son genre. Elle semble avoir mal vieilli. La petite enfance avait acquis son statut «sa majesté le bébé», son «le bébé est une personne», «le sujet n'a pas d'âge, l'enfant dès sa naissance est un être de langage», «quel que soit son âge l'enfant est un être de droit».Cette révolution en psychologie, en pédagogie, la prise en compte du psychique par la médecine dans les années 1960, se sont engagées dans les moeurs des années 1970, et confirmées par les lois dans les années 1980. Toutefois, il semble que ceux de ma génération et parmi nos aînés ceux qui l'ont permise n'y retrouvent plus leur bébé. En ces décennies premières du XXIe siècle, sont de moins en moins connues les données qui permettaient de se représenter en quoi et pourquoi le petit enfant n'est pas un grand.Peut-on encore parler du bébé approché par le corps et le coeur?Les tout-petits sont-ils encore approchés avec douceur dans leur corps et finesse dans leur coeur? Autant ils sont rares et investis, voire surinvestis, autant ils semblent ramenés au statut d'objets dont la sensibilité et la dépendance affective paraissent intéresser bien moins que leur cerveau. Métaphore des nouvelles fascinations suscitées par l'enfant, son cerveau, organe grand organisateur de tout, est devenu le nouvel objet de prédilection des recherches, des soins et des désirs. Quand le corps de chair en croissance supplante le corps langage, quand le cerveau sphère de stimulation et d'émotion supplante le coeur support des sentiments et des fragilités, apparaît la nuance entre investir un tout-petit et l'aimer. Nuance miroitante entre investir sur son avenir et s'intéresser à l'enfant présent. Rêver sa réussite, ou s'incliner au plus près des petits riens qui le rendent si humain.Le tout-petit est ils encore vu d'abord comme un être d'intelligence nouée au corps et au coeur? Un sujet sensible qui se grandit de mots et de sentiments? Ce n'est pas sûr.L'essor des neurosciences et de l'écologie nous présente un bébé redevenu organisme de chair saine, mais nouvellement nanti d'un cerveau.L'engouement pour le bio et le retour, au centre même des cités industrialisées, du rêve de «naturel», reportent subrepticement sur les bébés l'ombre de l'hygiène et des conceptions naturalistes. Un naturel qui serait de fait meilleur guide que le culturel, le symbolique. L'anecdotique retour en force des repas faits maison - par les mères bien sûr -, des couches lavables - par les mêmes - n'évite pas le plus grave: la reprise d'une surveillance des enfants haute en obsession des normes de croissances et de développement. Le petit organisme se doit d'être sain, et de croître au fil des saisons comme les tomates de Marmande: sans terre, bien régulières, rondes à point, d'une saveur prévisible et toutes à peu près identiques. Dans ce contexte idéique, on retrouve des enfants pensés et élevés hors sol politique, sociologique, fantasmatique: hors conscience de l'inconscient individuel et collectif.

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EAN
9782749236919
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