Une fille nommée Hamlet
Je n'avais pas réussi à arrêter le temps, à me faire embaucher dans un cirque ou à me rendre invisible. Je n'avais pas été capable d'attraper une maladie grave (mais non mortelle), de changer d'identité ou d'intégrer le programme de protection des témoins. Je n'étais même pas parvenue à convaincre ma mère de me laisser à la maison ou attendre dans la voiture.
Rien de tout ça. J'ai dû suivre maman - habillée comme une super-héroïne de l'époque élisabéthaine: cape pourpre bouillonnante avec tintements de clochettes - dans le hall. J'ai dû accompagner ma soeur jusqu'au secrétariat et faire comme si tout cela était parfaitement normal.
J'ai dû commencer ma 3e1.
Tous les quatrième et les troisième, sans exception, nous regardaient comme s'ils assistaient à un défilé, mettant abruptement fin à leurs conversations de retour de vacances. Les sixième, déjà complètement perdus, se contentaient de nous dévisager. Je ne pouvais pas les blâmer! Ce n'est pas si fréquent de voir une femme en grande tenue shakespearienne, une gamine de sept ans et une élève de 3e humiliée en balade dans un collège le jour de la rentrée...
Vous voyez ce que je veux dire?
J'ai donc gardé les yeux fixés sur le sol, pris un air impassible et je suis restée autant en arrière que possible en tentant de ne pas voir les bouches ouvertes et de ne pas entendre les ricanements et autres murmures qui accompagnaient notre passage. Pile lorsque nous sommes arrivées devant le bureau, j'ai aperçu du coin de l'oeil mes pires ennemies, Saber Greene et Mauri Lee, qui se poussaient du coude. Argh.
Maman a ouvert la porte du bureau et est entrée, suivie de ma soeur. Je me suis faufilée en dernier et j'ai essayé de refermer le plus vite possible la lourde porte derrière moi.
«La bonne journée à vous!» C'est le salut habituel de maman.
Mrs Pearl, la secrétaire, n'a même pas levé un sourcil devant l'ample blouse de poète, la cape, le chignon sévère et les petites lunettes de lecture rondes. Pour elle, j'en suis sûre, la tenue XVIIe de ma mère, c'est le comble de l'élégance. D'ailleurs, personne ne l'a jamais vue quitter son bureau et elle est probablement là depuis le XVIIe siècle!
«Bonjour, bienvenue! Voici notre nouvelle élève, n'est-ce pas?» a-t-elle pépié. Elle s'est penchée par-dessus le comptoir pour apercevoir ma soeur, qui était à peine plus haute que celui-ci. Dezzie lui a fait un petit sourire.
Mrs Pearl s'est assise et a tapoté sur le clavier de son ordinateur avec un seul doigt.
«Voyons voir... C'est Kennedy, n'est-ce pas?»
Ma mère a opine du chef. «Desdémone Kennedy.»
L'angoisse a tordu mon estomac. Ce n'était pas du tout comme ça qu'une année de 3e était censée commencer. L'ordinateur a grogné, puis gargouillé.
«Voilà! Quel joli prénom! Singulier, comme celui de sa soeur!» Mrs Pearl parcourait l'écran des yeux. «Emploi du temps... emploi du temps... Nous y sommes!»
| EAN | 9782330017637 |
|---|---|
| Titre | Une fille nommée Hamlet |
| Auteur | Dionne Erin ; Lumbroso Sandra |
| Editeur | HELIUM |
| Largeur | 147mm |
| Poids | 319gr |
| Date de parution | 22/03/2013 |
| Nombre de pages | 372 |
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