Le roman des héroïnes de Dieu

Daufresne Louis

DU ROCHER

KATERI, PERLE DES IROQUOIS AU C?UR DE LA NOUVELLE-FRANCE

Au milieu de la prairie le grand feu dévorait le ciel si férocement que les plus hautes flammes semblaient lécher les étoiles. L'éclatante lumière magnifiait le visage peint des guerriers dont les crêtes prolongeaient encore la grande taille. Les ombres de leurs plumes, agitées par le vent, se projetaient démesurément sur les façades des longues maisons en bois, formant comme un ballet de silhouettes irréelles.
Au son du tam-tam, des corps se désarticulaient, obéissant à une liturgie faite de danses macabres et de rythmes hypnotiques. Voulait-on préparer les esprits à l'arrivée d'un génie maléfique? Celui-ci prendrait alors possession de tout le village...
Tout à coup, le silence se fit. Seuls ne montaient plus vers la cime des mélèzes que le crépitement du brasier et les complaintes du prisonnier attaché à un poteau.
Le guerrier s'avança vers lui, les yeux frémissant d'un instinct cruel qui ne demandait qu'à être assouvi. Les sévices pouvaient commencer.
Armé d'un long couteau, il lui trancha les pouces et, dans les plaies béantes, introduisit jusqu'au coude une tige de bois. Le malheureux avait déjà eu les pieds marqués au fer rouge, comme le voulait la coutume. On lui décolla ensuite la peau des bras et des jambes pour ébouillanter sa chair à vif. L'homme vivait encore quand le guerrier se saisit de cognées de tomahawks incandescentes dont il lui fit un collier. Alors sa victime hurla:
«Que quelqu'un se lève de mes os pour nous venger!» Ce fut son dernier cri.
Enfin, le guerrier lui arracha les lèvres et le coeur, avant de le scalper et de brandir le trophée aux yeux de tous, une noire chevelure qui s'ajouterait à toutes celles qu'on exhibait déjà.
Quant à la victime, son corps serait dépecé pour être rôti et mangé.
Combien étaient-ils à avoir subi de si effroyables tortures? Les religieux avaient particulièrement souffert. De Jean de Brébeuf, baptisé à l'eau bouillante, à René Goupil, tué à coups de hache en prononçant le nom de Jésus, sans oublier Isaac Jogues et Antoine Daniel dont les têtes furent embrochées sur une palissade, la terre dégorgeait du sang des Robes noires.
L'infortuné prisonnier appartenait à la famille rivale des Algonquins, de la tribu des Weskarinis dont les jésuites avaient déjà converti le chef Sachem Pachirini. N'avait-il pas ce qu'il «méritait» puisque dans sa propre langue, ses tortionnaires étaient appelés Mohawks, «mangeurs d'hommes»?
C'était des Iroquois. Le village d'Ossernenon était lui-même situé à flanc de colline, au bord de la rivière Mohawk, affluent de l'Hudson.
Les Iroquois, qui s'appelaient eux-mêmes le «peuple aux longues maisons», étaient rassemblés au sein de la confédération des cinq nations. Lorsque celles-ci s'unissaient, la vaste région de l'Amérique du Nord, des Grands Lacs à l'Atlantique, avait des raisons de trembler. Les fameux Mohawks représentaient le groupe le plus agressif et le plus rétif à la pénétration occidentale. Les Français les appelaient Agniers. L'effroi qu'ils inspiraient fut à ce point une réalité qu'il en devint une légende.


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EAN
9782268075167
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