L'hystérie. Séminaire théorico-clinique 1

Benedetti Gaetano

ERES

Extrait de l'introduction à l'édition française de Patrick FaugerasDepuis nombre d'années, nous nous efforçons de faire connaître en France l'oeuvre de Gaetano Benedetti et avons pour cela traduit et publié plusieurs de ses ouvrages fondamentaux. Force nous est de constater que sa réception est quelque peu paradoxale. Alors que les écrits de Benedetti, notamment ceux qui concernent la clinique des psychoses, sont lus par de nombreuses équipes soignantes qui n'hésitent pas à organiser séminaires et autres rencontres pour affiner leur clinique à la lumière de ses avancées théoriques, ils restent relativement peu diffusés dans le monde universitaire et académique.Il est vrai que la clinique des psychoses, lorsqu'elle est considérée d'un point de vue psychodynamique, c'est-à-dire lorsque les concepts psychanalytiques sont invoqués comme éléments structuraux et décisifs d'une thérapeutique, vient d'abord se heurter à une approche psychiatrique traditionnelle qui a souvent tendance à confondre un certain humanisme, lorsqu'il est de mise, avec une approche véritablement thérapeutique. Par les temps qui courent, où le spectre des psychoses se rétrécit à mesure que le spectre de l'autisme s'élargit, où les techniques comportementalistes et rééducatives s'imposent avec insolence, où la psychiatrie semble avoir perdu son âme, assujettie qu'elle serait aux impératifs législatifs et politiques comme à une approche neurobiologisante, il n'est pas aisé de percevoir, à travers ce fouillis idéologique, la pertinence et l'immense intérêt de l'approche clinique de Benedetti telle qu'il l'expose et la théorise, toute en modestie savante et en respectueuse attention.Il en va de même avec la psychanalyse et les psychanalystes, lesquels, lorsqu'ils n'en ignorent pas purement et simplement l'existence, évoquent «la» problématique psychotique comme un contrepoint abstrait simplement utile à concevoir les aléas et autres avatars du sujet névrosé, ne se rendant pas toujours compte qu'ils contribuent ainsi, armés de leur bonne foi et animés du souci d'asseoir leurs convictions, à appauvrir ce qui précisément leur sert de viatique. Ou bien, défenseurs d'une pureté imaginaire de la cure analytique en même temps qu'ils l'idéalisent - et, d'une certaine façon, de cet idéal se font les gardiens - ils confinent, à leur corps défendant et paradoxalement, la psychanalyse au statut de méthode. Il y a souvent chez les psychanalystes eux-mêmes un hiatus, voire une contradiction, entre leur représentation de la psychanalyse et ce à quoi la pratique contraint ou ce qu'elle pousse à inventer, surtout lorsqu'il s'agit de cliniques des psychoses et plus encore lorsque l'institution est en cause. Formé dans la tradition de ce que l'on pourrait appeler la «grande» psychiatrie, celle qui fut soutenue par Eugen et Manfred Bleuler dans le cadre de la clinique du Bürgholzli à Zurich, Benedetti traça un chemin clinique vers les psychoses, chemin dont les sinuosités furent, toutefois, toujours éclairées par les théories freudiennes.Même si Gaetano Benedetti est surtout connu pour ses travaux sur la thérapeutique des psychoses, le séminaire que nous publions aujourd'hui traite de l'hystérie, cette névrose si étroitement liée à la psychanalyse, si souvent traitée que l'on pense en connaître intimement les tours et les contours, et qui est devenue, grâce au cas Dora ou à celui de «la belle bouchère», le pont-aux-ânes de tout impétrant psychanalyste. Mais - et c'est ce qui fait, en grande partie, l'intérêt de cet ouvrage - Benedetti revisite ici les principales conceptions freudiennes touchant à l'hystérie à partir de la pratique clinique, à partir de ce cheminement difficile et risqué dans lequel analysant et analyste se trouvent engagés et dont aucun manuel ou traité ne saurait prévoir les aléas, avant qu'un peu de ciel bleu ne s'entrevoit. Ce cheminement l'amène quelquefois à accentuer différemment le mouvement de la découverte freudienne, non pour la contredire mais pour l'ouvrir à certaines perspectives dont, sans encore le savoir, elle serait grosse ou à d'autres perspectives que son expérience clinique des psychoses lui permet de découvrir sous les interprétations convenues. Que se trouvent réinterrogées, par exemple, proximité et différence entre dissociation hystérique - comme scission horizontale de la psyché - et dissociation schizophrénique - qui n'est plus scission entre le conscient et l'inconscient mais entre des «morceaux» de la personnalité - n'est qu'un effet suscité par cette expérience particulière, important certes mais là n'est pas encore l'essentiel. Chez Benedetti, c'est la clinique tout entière qui se trouve réinterprétée à partir de son expérience clinique des psychoses comme si, conformément à ce qu'il a pu parfois dire, les avancées de la psychanalyse dépendaient étroitement de ce qu'une clinique des psychoses exigeante, rigoureuse et inventive à la fois, enseigne.

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EAN
9782749234472
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