De cuir et de soie
Je ne pense pas qu'il soit utile de nommer la ville où j'ai connu le plaisir de la soumission ultime et les secrets de l'Initiation.
Vous en avez forcément entendu parler, que vous soyez américains ou non.
La ville a été représentée tellement de fois, dans les romans, les films, les séries télévisées. Parfois, les touristes qui la découvrent sont presque déçus: ils ont l'impression de retrouver un décor familier, qu'ils connaissent déjà car, dans tous les coins du monde, sur tous les écrans, dans tous les livres, ils ont eu l'illusion de vivre au coeur de cette mégalopole qui ne dort jamais, que ce soit dans les lofts somptueux des beaux quartiers où habitent des gens dont la fortune est inimaginable, les bas-fonds où règnent la misère et la violence, les grandes boutiques de haute couture, les salles de spectacle où sont passées toutes les stars du monde, les galeries d'art, les halls crasseux où les dealers font la loi, les bars de nuit que les solitaires traversent en chevauchant les flots ambrés du whisky.
Et puis cette sensation de déjà-vu se dissipe et les visiteurs sont saisis à leur tour par l'atmosphère électrique, l'énergie des rues et des avenues, les enseignes lumineuses, les sirènes de la police ou des services d'urgence, la skyline des gratte-ciel du quartier d'affaires, qui se découpe sur le ciel bleu quand on prend le ferry pour traverser le fleuve et se rendre dans l'État voisin.
Longtemps, dans mes moments de tristesse et d'ennui, j'ai pris ce ferry à l'embarcadère de Battery Park pour le plaisir d'effectuer la traversée. Une fois arrivée sur l'autre rive, je ne descendais pas à terre, je restais à bord et repartais dans l'autre sens. Je faisais parfois jusqu'à une vingtaine d'allers-retours dans l'après-midi, pour tromper une angoisse qui me venait je ne sais d'où.
Je le sais maintenant mais, à l'époque, je me contentais de respirer à pleins poumons l'air du fleuve, de regarder au large, avant l'océan, la grande statue qui symbolise la ville pour toute la planète et l'île fortifiée où jadis étaient accueillis les immigrants. Ces allers-retours étaient la parfaite représentation de ma vie absurde, banale. Un voyage mécanique qui ne menait nulle part. C'est Bill Reich, mon psy, qui m'a, la première fois, fait comprendre cette analogie.
Aujourd'hui que je suis une Initiée, il m'arrive de reprendre ce ferry et de recommencer ce petit manège. Mais le bateau n'est plus là pour combler mon vide existentiel, il me sert de terrain de chasse. Je demande la permission au Prince, qui me l'accorde à condition que je filme la scène avec mon smartphone et que j'obéisse à quelques contraintes.
Il exige ainsi, selon sa volonté, que je choisisse un homme blond, ou un étudiant de l'université de l'État voisin, ou même, parfois, une femme. Si je réussis, le Prince m'accorde la faveur de lui rendre hommage avec ma bouche mais, si j'échoue, je suis punie selon des modalités très particulières qui me conduisent toujours à la honte, à la souffrance et, finalement, à un plaisir à la fois violent et subtil qui est celui que seuls savent apprécier les Initiés.
| EAN | 9782845924604 |
|---|---|
| Titre | De cuir et de soie |
| Auteur | Ashton Lysa S. ; Joubert Zelda |
| Editeur | PRESSES CHATELE |
| Largeur | 100mm |
| Poids | 100gr |
| Date de parution | 06/03/2013 |
| Nombre de pages | 264 |
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