Einstein dans la tragédie du XXe siècle. Antisémitisme, Shoah, sionisme

Veille Simon

IMAGO

Extrait de l'introduction

Le 9 novembre 1952, le premier président de l'État d'Israël, Chaim Weizmann, disparaît à l'âge de soixante-dix-sept ans. Celui que le Premier ministre, David Ben Gourion, considérait comme le «champion du peuple juif» rentre alors dans la légende, «aux côtés des grandes figures du passé - les Patriarches et les Rois, les Juges, les Prophètes».
Chaim Weizmann a mené l'embarcation sioniste à bon port, étape par étape, de la Déclaration Balfour de 1917 à la reconnaissance de l'État d'Israël, en 1948, par le président Truman. Contrairement à Moïse ou à Herzl, il voit naître l'État dont il a toujours rêvé. Mais depuis son éviction de la présidence de l'Organisation sioniste en 1946, le leader charismatique qui pouvait se targuer de représenter «la majorité écrasante des Juifs dans le monde» est un homme isolé politiquement. Ben Gourion lui avait reproché d'être «proanglais» à une époque où la puissance mandataire sabotait la Déclaration Balfour et bloquait l'immigration juive en Palestine. Néanmoins, Ben Gourion avait compris qu'on ne pouvait écarter complètement un homme de cette envergure et on lui avait offert la présidence de l'État d'Israël. Le géant disparu, qui allait lui succéder? Certainement pas un «nain»...
Un beau matin, une étrange discussion se tisse entre Ben Gourion et son secrétaire politique, Yitzhak Navon, qui sera plus tard lui aussi président de l'État d'Israël. Ben Gourion dit alors: «Il n'y a qu'un seul homme à qui nous puissions demander de devenir président de l'État d'Israël. C'est le plus grand de tous les Juifs. Peut-être le plus grand des hommes. Einstein. Qu'en pensez-vous? - Président de l'État d'Israël? Pourquoi pas [le mettre] à la tête de la recherche scientifique? répond Navon. J'ai bien peur qu'il ne trébuche en cours de route.»
Einstein président? Le vieux sage habite tranquillement aux États-Unis, à Princeton, et il n'imagine pas qu'une telle idée puisse éclore quelque part.
Weizmann et Einstein se connaissaient bien. C'est en 1921 que le savant s'est laissé convaincre de voyager en Amérique avec le leader sioniste pour défendre le fameux projet d'université à Jérusalem, symbole d'une renaissance juive. Weizmann joue alors le rôle du prophète et Einstein, qui est une immense célébrité, celui du magicien qui déclenche des avalanches de dollars. Leur collaboration sera pourtant tumultueuse, car même si Einstein accepte de bon coeur d'être exhibé, il ne garde pas la langue dans sa poche! Weizmann sait qu'un simple mot de sa part peut faire tanguer dangereusement l'embarcation sioniste. Il le tient à l'oeil, mais le savant n'est pas dupe. Son soutien au mouvement, qu'il ne renia jamais, fut sans complaisance.
Les deux hommes sont des scientifiques et partagent sur beaucoup de choses les mêmes points de vue. Alors qu'Einstein félicite chaleureusement Weizmann pour son élection à la présidence, ce dernier, touché, lui répond: «Vos mots sont empreints de noblesse et pleins de sagesse et vous savez que j'y attache une grande importance.» Weizmann envoie, à son tour, un télégramme au «plus grand Juif de sa génération», à l'occasion de son 70e anniversaire: «Vous vous êtes fièrement identifié à notre peuple opprimé alors que vous étiez au zénith de vos réussites scientifiques [...] vous avez prêté votre nom et vous êtes investi chaque fois qu'il était possible de soulager la souffrance des Juifs.» À la mort de Weizmann, Einstein lui rendra un vibrant hommage en s'adressant à sa veuve: «Je ressens avec vous et notre peuple la perte immense. Il a combattu pour son peuple et s'est investi corps et âme dans ses réalisations. Pour ses contemporains, il fut un guide et un soutien, il était un exemple brillant.»


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EAN
9782849522028
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