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Le labyrinthe de la liberté

Sherman Delia ; Nikly Michelle

HELIUM





Extrait



Dans le break Ford 1954 de sa mère, Sophie Martineau regardait derrière elle, à travers la vitre, sa vie s'enfoncer lentement dans le passé.
Il pleuvait. Il pleuvait beaucoup en mai, en Louisiane, mais pour Sophie cette pluie était comme une atteinte personnelle. C'était déjà assez dur de quitter ses amis, son collège et la maison où elle avait grandi, pour passer l'été exilée dans le bayou avec Grand-Maman et Tante Enid, sachant qu'à l'automne elle allait se retrouver dans un nouvel environnement, dans un nouveau collège. Et il fallait en plus qu'il pleuve, pour couronner le tout !
Elles passèrent devant la maison de sa meilleure amie, Diana Roget. Sous la pluie, la grosse maison aux murs enduits de stuc paraissait sombre et hostile - exactement comme Mme Roget après le départ de Papa pour New York. Une fois le divorce prononcé, Diana n'avait plus eu la permission de venir chez elle, et Sophie n'avait plus été invitée à Galveston comme tous les étés depuis le CE2. Mme Roget pensait sans doute que le divorce s'attrapait, comme les poux. Bien que Diana ait soutenu le contraire, Sophie la suspectait de le penser aussi.
Elles s'arrêtèrent à un feu rouge et Maman se retourna.
- Tu es bien silencieuse. Tu penses à ta grande aventure ?
- Oui, Maman.
Ce demi-mensonge lui était venu d'emblée. La vie était plus facile quand Sophie disait à Maman ce qu'elle voulait entendre.
- Quelle petite voix triste ! Tu n'es pas inquiète ? Tu aimais beaucoup Oak Cottage quand tu étais petite.
- En fait, je ne m'en souviens pas trop.
Là, on passait au vrai mensonge. Sophie avait détesté se rendre à Oak Cottage, même pour un week-end. Bien qu'elle n'ait eu que six ans à l'époque, elle avait le souvenir très précis de repas qui la mettaient mal à l'aise, où Grand-Maman racontait comment tout était tellement mieux quand elle était petite, où Papa faisait des plaisanteries stupides et Maman soufflait le froid comme un réfrigérateur avec la porte ouverte. A Oak Cottage, il n'y avait pas de climatisation, et beaucoup trop d'insectes. L'idée d'y passer tout un été lui était difficilement supportable. Mais avec Maman qui travaillait la journée et suivait les cours du soir à l'université de Soûle pour préparer son diplôme d'expert-comptable, et l'argent qui manquait pour payer un camp de vacances, il n'y avait pas d'autre solution.
- Ne me dis pas que tu ne te souviens pas du jardin de Tante Enid, dit Maman. Toutes ces roses magnifiques ! Et la collection de tabatières de Grand-Maman. Tu jouais avec pendant des heures, comme moi quand j'étais petite. Tu n'as pas oublié, dis-moi ?
- Non, Maman. (Un autre mensonge.) Bien sûr que non. Le feu passa au vert, et elles repartirent.
À la réflexion, Sophie se revoyait vaguement, assise sur un lit très haut, en train de disposer des petites boîtes brillantes. Son souvenir d'Oak Cottage lui-même était nettement plus vivace. Le bâtiment ressemblait à l'ogre des contes, massif et vert, avec des fenêtres qui saillaient du toit comme deux yeux furieux, et des marches hautes de brique rouge qui menaient à la galerie, telles une grosse bouche montrant les dents. Elle avait poussé des hurlements stridents la première fois qu'ils étaient venus et Papa avait dû la sortir de force de la voiture. Il avait ri quand elle lui avait dit la cause de sa frayeur, mais Maman était trop ulcérée pour lui parler.






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EAN
9782330030544
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