Vivre à Paris de la Restauration à la Belle Epoque

Préambule

ÉCRIVAINS, CHRONIQUEURS et journalistes étaient les premiers témoins de la vie quotidienne des Parisiens au XIXe siècle. De la Restauration à la Belle époque, ils furent nombreux à en recueillir les savoureux détails, laissant à la postérité des observations et des relations précieuses qui nous restituent les traits si caractéristiques de ces années essentielles de notre histoire. Après une introduction en quatre esquisses décrivant les Parisiens et leur décor, sept flâneries vous conduiront sur plusieurs hauts lieux, animés ou désolés, de la Capitale, des escapades à la fois exaltées et romantiques où se côtoient les caractères les plus divers, du bourgeois fêtard au cocher d'omnibus, du provincial grassouillet aux plus insatiables demi-mondaines, du poète famélique à l'inquiétant marchand de mort-aux-rats...

Ainsi, Ernest Fouinet décrit avec humour la traversée de Paris d'un omnibus au lendemain de la révolution de 1830, de la barrière du Trône à la barrière de l'Étoile. De même, tel un cicérone surgit du néant, il nous offre un témoignage irremplaçable sur les rues de la Cité, décor inoubliable des Mystères de Paris d'Eugène Sue, cela bien avant qu'Haussmann ne les mette en pièces et ne travestisse le berceau de Paris en vaisseau amiral de l'Administration. En 1868, lorsqu'on croyait encore que Paris deviendrait sous peu l'un des principaux ports de mer de l'Hexagone, Maxime Du Camp dresse le tableau des curieux métiers qui hantent la Seine et ses berges. Plus loin, Balzac nous fait, quant à lui, remonter l'histoire et les Grands Boulevards au temps où le monde entier s'y pressait pour y célébrer leurs fastes et leurs richesses... alors qu'Amédée Kermel opte pour un paisible vagabondage à la recherche des échoppes les plus originales des passages couverts. Pour sa part, Gaston de Pawlowski constate avec amertume que déjà, à la veille de la Grande Guerre, Montmartre est mort, anéanti par les touristes et les spéculateurs. Mais ses souvenirs sont eux bien vivants, aussi nous décrit-il avec une nostalgie enthousiaste la vie montmartroise de sa jeunesse, ses excentriques, ses bals et ses artistes. Plus mélancolique, Huysmans déambule ensuite le long de la Bièvre à Paris, des fortifs au boulevard de l'Hôpital, lorsqu'elle coulait encore, romantique et puante, à ciel ouvert...

Mais ces pages décrivent avant tout la nature des Parisiens à cette époque, leurs habitudes, leurs émotions. D'un grand couturier de la rue de la Paix au tailleur pour miséreux des berges de la Seine, de la meilleure table à la plus modeste gargote, des grands de ce monde aux ouvriers tanneurs de la Bièvre... vous marcherez dans les traces d'un monde irrémédiablement disparu au lendemain de la Seconde Guerre mondiale mais dont les plus âgés d'entre nous conservent encore la saveur. Des temps souvent durs et sans concession pour les plus pauvres, mais toujours flamboyants et optimistes. Une société dont les valeurs étaient encore à échelle humaine...

Pour mieux en appréhender les rues et le décor, un atlas en couleurs des vingt arrondissements figure en fin d'ouvrage, formidable travail d'un topographe du Second Empire qui a dessiné, de 1863 à 1870, sur chaque planche, les voies nouvelles et modifié le nom des rues rebaptisées avec une maîtrise remarquable de la calligraphie. Cet atlas sera votre guide dans le dédale des rues de l'ancien et du nouveau Paris. Une époque transitoire et décisive où les transformations voulues par Napoléon III et exécutées par le baron Haussmann donnaient le coup de grâce au Paris médiéval pour faire place à la Ville lumière.

PHILIPPE MELLOT