Rien que des fantômes

De Berlin à Austin, Nevada, en passant par Prague, Reykjavik ou Venise, Judith Hermann promène au fil de ces sept longues nouvelles (le précédent recueil, plus court de 100 pages, en comptait 9...) des héroïnes trentenaires qui lui ressemblent. Entre deux amours, en transit dans des lieux improbables ( au fin fond de la Norvège pour un festival de rock annulé in extremis, à Karlsbad dans un appartement hanté par le souvenir d'une vieille Chinoise qui y vécut, en plein désert du Nevada où une curieuse petite femme traque les spectres avec son appareil photo dans les recoins d'un hôtel à l'abandon), elles observent (leur perception est d'une finesse extrême), s'abandonnent aux événements, se laissent traverser par les sensations avec une délectation mélancolique. Les rapports instables entre les êtres, l'état de disponibilité, d'irrésolution, d'attente vague où se trouvent les personnages génèrent des réminiscences, des chassés-croisés amoureux, des situations imprévues, cocasses ou émouvantes.
Avec beaucoup de subtilité, de sensualité, d'humour aussi, l'auteur - plus sereine et plus sûre de ses moyens dans ce second livre - excelle à décrire les rencontres manquées, la métamorphose instantanée du présent en passé, les petits moments de bonheur fugace. "Rien de spectaculaire, rien qui changerait vraiment quelque chose", et pourtant c'est le coeur même de la vie qui bat au sein de ces petites histoires contées d'une voix douce, précise, voluptueuse et envoûtante...