Mahomet. Le lecteur divin

Hanne Olivier

BELIN







Extrait

Extrait de l'introduction Mahomet est le seigneur des deux mondes, des deux races et des deux nations : les Arabes et les non-Arabes. C'est lui notre prophète : il a ordonné le bien et défendu le mal. Nul ne fut plus véridique que lui dans ses négations et ses affirmations. Al-Bûçîrî (mort en 1294), Poème du manteau. C'est le début de la matinée à Médine. Le calendrier traditionnel a retenu la date du 13 du troisième mois lunaire, c'est-à-dire le lundi 8 juin 632. Abu Bakr, ami et beau-père de Mahomet, dirige la prière rituelle des croyants. Soudain, une main écarte la tenture séparant la demeure du prophète de la salle de prière. Un homme vieilli apparaît, la tête enveloppée d'un bandeau. Un témoin affirme qu'il semblait en bonne forme ce jour-là et qu'il souriait. On crut même qu'il était guéri. Abu Bakr se recule afin de laisser à son gendre la première place, mais celui-ci l'invite à poursuivre : «Conduis la prière.» Une fois le rite achevé, Mahomet prend la parole devant les musulmans : «Ô hommes ! Le feu est attisé, les séditions approchent comme les ténèbres de la nuit obscure. Je le jure par Dieu, vous ne pouvez rien dire à ma charge. Je n'ai déclaré licite que ce que le Coran a déclaré licite, et je n'ai déclaré illicite que ce que le Coran a déclaré illicite.» Ce sont ses dernières paroles publiques. La mort du prophète L'homme rentre alors dans sa chambre et se couche, son épouse 'Âisha à côté de lui. Le prophète agonise, parvenu au bout de son destin à soixante-trois ans - ou soixante-cinq selon d'autres traditions - homme de prière, seigneur de tribus, législateur, guerrier. À quoi attribuer sa mort ? A l'empoisonnement dont il a été victime quelques années plus tôt ? Au paludisme de la région médinoise ? Peut-être plus simplement à l'épuisement d'une vie qui a tout connu, tout traversé : l'angoisse, l'extase, la persécution, l'amour, le pouvoir et la guerre. Épuisé, Mahomet appuie sa tête sur le sein de 'Âisha. Les deux époux restent ainsi jusque vers onze heures. La jeune femme lui propose de se nettoyer les dents. «Veux-tu que je te donne ce cure-dents ?» 'Âisha mâche un petit morceau de bois avant de le tendre à son époux. Celui-ci gratte lentement ses dents, comme il avait coutume de le faire, mais ses forces l'abandonnent. Sentant le corps de son homme de plus en plus pesant et une sueur abondante, 'Âisha regarde le visage du mourant. La bouche entrouverte et les yeux vers le ciel, Mahomet bredouille une dernière parole, mystérieuse : «Mais la plus haute compagnie dans le Paradis...» La jeune femme cherche à le rassurer : «On t'a donné à choisir, et tu as choisi, je le jure par celui qui t'a envoyé avec la vérité.» Puis Mahomet s'éteint. 'Âisha dépose alors sa tête sur un coussin, sort de la pièce pour annoncer le décès du prophète et appelle les autres femmes à se battre la poitrine et le visage en signe de deuil. La nouvelle se répand rapidement et un trouble immense envahit la ville de Médine, si bien qu'on en oublie presque d'enterrer le corps de Mahomet, resté dans la maison avec les femmes. Les hommes se rassemblent mais déjà des divisions surgissent entre eux, notamment entre les Médinois et les fiers Mecquois qui ont accompagné le prophète dix ans plus tôt. Qui pourra désormais être le Prince des Croyants ? Certains proposent de nommer deux chefs, issus des deux villes de l'islam. Mais 'Omar, cousin de Mahomet, prend la parole devant tous les autres et s'adresse au beau-père du défunt : «Étends ta main, ô Abu Bakr !» L'autre s'exécute et 'Omar le reconnaît comme calife, le khalifa, bientôt imité par l'ensemble des croyants. Les partisans de 'Alî, gendre et cousin de Mahomet, dénonceront par la suite un coup d'État visant à écarter du pouvoir le plus proche parent du prophète.



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EAN
9782701163123