J'ai fait un rêve
Gilles VANDERPOOTEN. - Vous êtes exposé très jeune, dans votre Algérie natale, au racisme et à la violence de vos parents. Est-ce à partir de ce moment-là que vous «entrez en résistance»?Guy BEDOS. - Oui. Cet aspect de mon enfance et de mon adolescence, je l'ai déjà évoqué dans mon livre, Mémoires d'outre-mère: le premier gouvernement auquel j'ai eu à résister, c'était celui de mes parents. Ma mère était beaucoup moins déplaisante que mon beau-père, mais les deux faisaient la paire. Il lui arrivait même de me frapper pour plaire à son mari. En résilient que j'étais sans le savoir - je n'avais pas encore rencontré Boris Cyrulnik -, je me suis construit à l'inverse de ce que j'ai subi et leurs mauvaises manières vis-à-vis des Algériens, commerçants, artisans, ouvriers, femmes de ménage, m'ont profondément heurté. Depuis, ma lutte contre tous les racismes, racisme de peau, racisme social, racisme de sexe, est devenue constante et définitive.Le mari de ma mère, ancien ouvrier devenu patron, était horrible avec ses employés.Des comportements dont j'ai été le témoin, je retiens que beaucoup de ceux qui disent «le peuple, je connais, j'en viens» sont abominables. Il y a des aristos qui se comportent mieux que certains individus issus du peuple, que l'on appelait autrefois les parvenus. La vengeance, c'est l'inverse de la résilience. Heureusement, certains parviennent à se construire contre la douleur du passé. Je m'applique à être de ceux-là. Et même, sur scène, à provoquer le rire du public sur ce genre de sujets, pas franchement hilarants.G. V. - Après la résistance, il y a la conscience politique, que vous développez très tôt...G. B. - Ma conscience politique s'est forgée au contact de Finouche, la jeune femme qui s'est chargée de moi lorsque mes parents m'avaient envoyé en pension à la campagne. Elle m'a appris, parallèlement à l'école, à lire, à écrire, à compter, et... les droits de l'Homme. J'avais 8 ans.G. V. - Est-ce que vous ressentiez les tensions entre Algériens et Français?G. B. - Bien sûr. Les premiers affrontements sanglants ont eu lieu à Sétif, alors que j'étais à quelques centaines de kilomètres de là, à Souk Ahras, près de la frontière algéro-tunisienne. J'étais un enfant et on pouvait me vendre n'importe quoi. Pour me faire peur, on me racontait que les Arabes s'emparaient des enfants français pour les épingler aux crocs des boucheries. Assez impressionnant, pour un très jeune garçon.G. V. - En Algérie, comment étiez-vous perçu par vos camarades de classe: comme l'un des leurs ou comme le fils d'occupants français?G. B. - On a souvent parlé de l'occupation allemande en France. Qu'étions-nous nous-mêmes, Français installés en Algérie, sinon des occupants? Il faut lire ou relire Albert Camus pour savoir comment, sur le plan scolaire, étaient traités les jeunes Algériens dans leur propre pays.Dans ma classe de sixième, au lycée d'Annaba, il n'y avait qu'un seul Arabe. Une photo de groupe en témoigne: Abdel Krim Khaldi. Il est resté mon plus vieil ami d'enfance.
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EAN
9782815907224
Caractéristiques
| EAN | 9782815907224 |
|---|---|
| Titre | J'ai fait un rêve |
| Auteur | Bedos Guy ; Vanderpooten Gilles |
| Editeur | DE L AUBE |
| Largeur | 125mm |
| Poids | 206gr |
| Date de parution | 14/03/2013 |
| Nombre de pages | 147 |
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