La Vie intérieure de Martin Frost

Auster Paul ; Curiol Céline ; Le Boeuf Christine

ACTES SUD

Ecrit et réalisé par Paul Auster, un film intimiste sur l'inspiration et sur la création littéraire dans les rapports de cette dernière avec la vie en tant qu'expérience tout à la fois tragique et comique, absurde et profondément chargée de sens.
Une partie de l'histoire de Martin Frost apparaît dans un roman de Paul Auster, Le Livre des illusions, au moment où, vers la fin du livre, David Zimmer, le narrateur, a l'occasion de voir l'un des derniers films tournés par Hector Mann dans le désert du Nouveau Mexique... Prolongeant une évocation cinématographique dont l'inachèvement le frustre, hanté par la nécessité d'en écrire une suite, Auster en reprend alors l'intrigue en décidant de lui donner d'emblée la forme qui s'impose légitimement : celle d'un scénario...
Martin Frost, un écrivain, profite de l'absence des Restau, un couple d'amis partis en voyage en Inde, pour s'installer dans la maison que ceux-ci lui ont prêtée afin qu'il puisse y jouir d'un peu de repos et de concentration, loin du rythme infernal de la vie new-yorkaise. A peine arrivé dans cette maison isolée au milieu des bois, il découvre qu'il n'est y pas seul : une mystérieuse jeune femme, Claire, qui prétend être la nièce de Diane Restau, a également pris ses quartiers dans la maison... Elle se révèlera être la muse, étrange, de Martin...
Dans ce scénario aux allures de récit fantastique, à la Nathaniel Hawthorne, Claire, loin de revêtir le statut traditionnel de la muse, est l'incarnation même de l'histoire qu'écrit Martin : plus Martin écrit et plus Claire semble s'affaiblir et, lorsqu'il arrive aux derniers mots de son texte, la jeune femme trépasse. Martin finit par comprendre ce qui s'est passé et il brûle son manuscrit afin de la ramener à la vie.
L'action se situe tout entière dans et non loin de la maison où règne une atmosphère d'un autre monde : le lieu semble exister en dehors du temps. Un plombier réparateur de chaudières, le bizarre et fantasque Fortunato, ainsi qu'une jeune femme qui cache sous ses apparence d'idiote de village vêtue de hardes d'un autre âge une voix exceptionnelle font également partie de l'étrange aventure à laquelle convie ce scénario, théâtre d'une représentation tragicomique de la création artistique dans tous ses états.
De son film, Paul Auster dit notamment, au cours de l'entretien qui figure en avant-propos de l'ouvrage et qu'il a accordé à Céline Curiol, jeune romancière française également publiée par Actes Sud (Voix sans issue, 2004 ; Permission, février 2007), qui l'interroge sur l'ambivalence de cette oeuvre cinématographique mêlant l'humour à des scènes intensément dramatiques et mystérieuses :
"La vie est à la fois tragique et comique, à la fois absurde et profondément chargée de sens. De façon plus ou moins consciente, j'ai essayé d'inclure ce double aspect de l'expérience dans les histoires que j'ai écrites - romans et scénarios. Il me semble que c'est la façon la plus honnête, la plus vraie d'observer le monde, et quand je pense à certains des auteurs que j'aime le mieux - Shakespeare, Cervantès, Dickens, Kafka, Beckett - il se trouve qu'ils sont tous maîtres en l'art de combiner la lumière avec l'obscurité, l'étrange avec le familier. La Vie intérieure de Martin Frost est une histoire très curieuse. L'histoire d'un homme qui écrit l'histoire d'un homme qui écrit une histoire - et l'histoire dans l'histoire, le film que nous regardons entre le moment où Martin en s'éveillant trouve Claire endormie près de lui et le moment où Martin arrête de taper à la machine et regarde par la fenêtre, est si extravagante et invraisemblable, si folle et imprévisible que, sans une certaine dose d'humour, elle aurait été d'une lourdeur insupportable. La scène du pneu, par exemple. Le spectateur sait que Claire vient de sortir de la voiture et de s'enfuir dans les bois, et voilà Martin qui arrive en poussant un pneu sur la route, sans soupçonner que la femme qu'il aime vient de disparaître - et soudain le pneu lui échappe. C'est un classique du comique muet : homme contre objet. Martin court après le pneu - qui rebondit sur un rocher et l'étend au sol. Comique, mais aussi pathétique. Même chose pour Fortunato, avec ses déclarations étranges, ses blagues lamentables et ses récits ridicules. Il apparaît quand Martin est au plus bas, déchiré par la perte de Claire, et si amusant que je trouve son personnage, sa présence souligne le poids de la solitude qui a enveloppé Martin. La scène la plus triste du film est aussi la plus drôle : celle où Martin s'entraîne seul au jeu des tournevis volants. Le malheureux est si perdu qu'il ne sait plus que faire de lui-même."


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EAN
9782742766802
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