Familles, je vous hais ! / Les héritiers d'auteurs

Extrait de l'introduction

Des veuves abusives aux fils de concierges couchés sur un testament par défaut, les héritiers d'auteurs sont pour beaucoup devenus des ayants droit... «d'emmerder le monde»!
Certains ont décidé de ne rien divulguer des oeuvres qui dorment dans un atelier de peintre ou un tiroir de bureau d'écrivain. D'autres battent monnaie en publiant le moindre brouillon ou en éditant des lithographies douteuses par milliers. D'autres encore intentent procès sur procès à quiconque ne souscrit pas à l'image idyllique qu'ils entendent donner de leur glorieux ancêtre et détruisent manuscrits ou clichés séditieux. D'autres enfin sont prompts à «marchandiser» sous forme de parc d'attractions et de figurines en toc. Tous font fructifier la manne, entravent la recherche... ou s'épuisent à se quereller entre eux.
Ce sont donc des familles, voire des tribus, héritières de quelques-uns des plus grands peintres, musiciens, penseurs ou écrivains qui sont dépeintes ici à travers la saga posthume de l'oeuvre qu'ils ont reçue en legs, oubliant le destin voulu par le créateur et le bien commun, pour s'arroger pouvoir et royalties.
Tout héritage est, par essence, déjà compliqué: quand bien même n'y aurait-il que deux enfants pour se partager... deux petites cuillères en tout point semblables, le choix à opérer va vite dégénérer. L'un va immanquablement désirer le couvert que l'autre a désigné en premier. L'affaire se corse lorsqu'il s'agit de la succession d'un génie artistique. Les droits d'auteur fluctuent au gré des ans, le fameux «droit moral» confère un pouvoir extraordinaire, l'arrivée du domaine public (et donc la fin du filon) menace, il faut se montrer à la hauteur de l'enjeu intellectuel, etc. Cela est d'autant plus difficile que les héritiers sont souvent des neveux éloignés ou autres pièces rapportées, récupérant, sans même la connaître, l'oeuvre d'un «oncle d'Amérique». Lorsqu'ils ne sont pas eux-mêmes des artistes... au talent forcément moindre que celui de leur illustre géniteur. Sans compter ceux qui affrontent leur géniteur... de son vivant.
Ce sont donc surtout les différents membres de ces familles, au sens large, qui se haïssent surtout; et finissent par susciter - au mieux! - l'agacement des milieux de la recherche et de la culture.
Familles, je vous hais! n'est ni un livre de droit ni un pamphlet. Il brosse plutôt une quinzaine de sagas, parfois édifiantes par la cupidité des protagonistes, parfois «emblématiques» par la chape de plomb qui s'abat sur un exceptionnel patrimoine culturel.