EXAMEN DE CONSCIENCE. "Nous étions vaincus, mais nous nous croyions innocents"

Dans son admirable témoignage Lieutenant de Panzers, August von Kageneck racontait sa jeunesse, celle d'un adolescent de la vieille noblesse allemande, de son enfance au château à la Hitlerjungend, puis d'un officier de vingt ans passé des ivresses de la victoire au traumatisme de la défaite. Examen de conscience est un tout autre livre. Il revient certes sur sa campagne de Russie, mais c'est pour la revivre en fonction des actions criminelles commises à l'encontre des " judéo-bolcheviques " et des partisans : Qu'ai-je vu ? Qu'ai-je su ? Quelles furent à l'époque mes réactions et celles de mes pairs ? Finalement, à l'heure et au lendemain de la défaite, lui et tous les soldats de la Wehrmacht se considérèrent comme vaincus, certes, mais dans l'honneur, innocents des massacres dont, aujourd'hui comme hier, on attribue exclusivement la responsabilité à la SS. Cinquante ans après, Kageneck confesse que, même si personnellement, il n'a participé à aucune exaction, il ne se sent plus innocent. Il a ressenti un véritable choc en réalisant que des grands chefs de la Wehrmacht ont non seulement connu, mais couvert, voire justifié, bien des crimes, étouffant ou sanctionnant les officiers qui, dès la campagne de Pologne en 1939, se sont élevés contre les groupes d'action SS. Il accuse son propre milieu, la grande bourgeoisie, l'armée traditionnelle, d'avoir favorisé l'ascension de Hitler, et fustige l'absence de courage civique de ces généraux qui, tout lucides qu'ils étaient, sont restés soumis jusqu'au bout, comme tout le peuple allemand. Et il évoque le " voyage de réconciliation ", de pardon des offenses, qu'il fit, en compagnie de Juifs et d'anciens combattants, dans les villes européennes où les Allemands avaient commis des crimes. C'est le courageux et beau livre d'un homme écartelé entre d'une part la fraternité d'armes et la fierté du jeune lieutenant de Panzers caracolant dans les plaines de l'Est, qui sont ineffaçables, et la tentation chrétienne d'assumer personnellement une part du péché collectif.