Rebondir après un chagrin d'amour. Comment surmonter une rupture, les clés pour se reconstruire et s

Hédon Frédérique

LAROUSSE







Extrait



Il en est des mots comme de toute chose : ils évoluent au fil du temps. Certains tombent en désuétude, alors que d'autres, au contraire, traversent les âges et gardent leur place dans le langage usuel. À cet égard, le terme «chagrin» a une place un peu particulière : très peu utilisé seul, il s'avère quasi irremplaçable dans quelques expressions. De nos jours, on dit rarement que quelqu'un est chagrin, mais plutôt qu'il est triste ou morose ; on préfère parler de sa tristesse ou de son affliction plutôt que de son chagrin ; et on ne dit plus «chagriner», mais «faire de la peine» ou «blesser». En revanche, l'expression «gros chagrin» fait partie du vocabulaire courant et ne nécessite aucune explication complémentaire. Il en est de même du «chagrin d'amour», expression tout aussi actuelle, quoique moins univoque ; c'est, à notre époque, la façon la plus courante de parler des aléas sentimentaux et de la souffrance amoureuse. Que ce soit chez les enfants, les adolescents ou les adultes, on se représente les chagrins comme une épreuve transitoire qu'il faut surmonter avant de retrouver sa joie de vivre ; d'ailleurs, ceux qui n'en ont pas connu les considèrent souvent comme un événement affectant plus volontiers les jeunes filles et dont il est assez facile de se remettre, ce qui leur fait parfois donner des conseils mal appropriés à la personne chagrinée, dont ils ne comprennent pas bien le vécu émotionnel.

On peut pourtant mourir de chagrin. L'histoire de Tristan et Iseut en est l'illustration la plus connue : celui-ci, voyant une voile noire sur le bateau qui doit lui ramener Iseut, croit avoir perdu son amour, et cela le plonge dans un tel désespoir que sa seule issue est de se donner la mort. Cette légende exprime la profondeur et l'essence du tumulte affectif en cause, lequel, sans amour, ne peut exister. La souffrance qu'il représente est directement liée à ce sentiment difficile à définir, mais tellement enthousiasmant. Aimer est ce qui donne un sens à notre vie ; sans cette dimension, le corps pourrait sans doute se développer, mais que deviendrait notre âme, cette mystérieuse part des humains qu'aucune science ne sait qualifier ?

Car l'amour nous porte et nous transporte ; il a le pouvoir de transformer tout ce qu'il touche et change notre regard sur le monde, nous rendant à la fois plus légers et plus profonds. Il aiguise nos sens et nos sentiments, réveille notre ardeur à vivre et nous ouvre à nous-mêmes ; il nous aide à nous montrer plus tolérants, en particulier envers l'être aimé, dont les qualités nous émerveillent. Mais, en même temps, l'amour nous rend plus exigeants, car, après avoir découvert le bien qu'il nous fait, après avoir vibré d'espoir, de désir et de tendresse, nous ne supportons pas qu'il nous soit retiré. De ce fait, le rencontrer nous fait également découvrir notre vulnérabilité. Tant qu'il dure, nous rêvons d'infini - et il est heureux que nous en soyons capables - et nous ne voulons pas penser à l'éventualité d'un renoncement ou d'une perte. Quand cela se produit, nous n'y sommes pas préparés et il nous faut alors affronter soudainement la douleur de la séparation. Plus l'investissement était grand, plus la souffrance est profonde ; plus le temps passé ensemble était long, plus l'attachement est fort; plus l'enthousiasme à aimer (tel celui du premier grand amour) était vif, plus la chute est brutale... C'est donc chaque fois une version différente qui se joue. Le chagrin peut ainsi revêtir de multiples formes. Il dépend, en effet, de l'âge auquel il survient, des expériences antérieures, amoureuses et personnelles, des attentes envers l'autre, la vie, le couple et, bien évidemment, des circonstances de sa survenue.



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EAN
9782035873309
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