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Criminologie et lobby sécuritaire. Une controverse française

Mucchielli Laurent

SNEDIT LA DISPU





Extrait



Extrait de l'introduction

À la télévision, à la radio, dans les journaux et sur internet, à l'occasion notamment des faits divers criminels qui jalonnent ce que les médias appellent l'«actualité», il n'est désormais presque plus possible d'échapper à la parole d'un «criminologue». La chose surprend sans doute d'autant moins nos concitoyens qu'ils retrouvent cette figure du criminologue quasiment tous les soirs, lorsqu'ils regardent la télévision après dîner et qu'ils se voient immanquablement proposer des séries policières américaines. Ce conditionnement télévisuel est tel que les universités enregistrent depuis quelques années une nouvelle demande de la part de ces grands adolescents qui, au sortir du baccalauréat, nous disent qu'ils veulent devenir quelque chose comme «criminologues, profiteurs, agents du FBI». Certains tombent alors de haut lorsqu'ils apprennent que le métier de criminologue n'existe pas en France, qu'aucun diplôme universitaire n'en délivre le titre et le droit d'exercice, que cette appellation n'est par conséquent la garantie d'aucune compétence, que toutes celles et tous ceux qui l'utilisent dans les médias se sont en réalité autoproclamés tels, et que certains d'entre eux sont mêmes des charlatans.
Cette situation pourrait néanmoins évoluer dans les années à venir. En effet, loin du JT de 20 heures et de la une des médias, dans l'univers plus feutré du milieu universitaire et scientifique français, l'existence d'une discipline baptisée «criminologie» a fait l'objet d'une intense controverse durant les cinq années de pouvoir de Nicolas Sarkozy. Elle a démarré en 2008, a connu son apogée en 2012, et elle n'est pas terminée. La plupart des personnes qui sont extérieures à cet univers professionnel n'y ont pas compris grand-chose, et l'on ne saurait les en blâmer. La question est complexe. Quantité d'enjeux s'entremêlent alors qu'ils sont de nature très différente, même s'ils sont tous très importants : la conception même de la science, la Structuration des disciplines à l'université et au CNRS, la formation des professionnels des métiers de la prévention, de la sécurité et de la justice, la production des connaissances et des statistiques sur la délinquance, l'orientation plus ou moins sécuritaire des politiques pénales, la définition de l'expertise auprès des pouvoirs publics.
Cette controverse a été et demeure âpre. Là encore pour plusieurs raisons. Certains ont pensé sincèrement que l'organisation de la criminologie en France serait un progrès collectif, notamment pour la formation des professionnels. Mais d'autres y ont engagé surtout des besoins de reconnaissance personnelle et institutionnelle. D'aucuns y ont joué par ailleurs une crédibilité qui impacte aussi leur médiatisation, leur réputation, leur influence politique, voire leurs «bonnes affaires», car l'expertise en sécurité est par ailleurs un business. D'autres y ont vu au contraire l'indice d'une perte de légitimité des institutions universitaires et scientifiques, de l'emprise croissante d'un star-system médiatique et politique toujours plus superficiel, et enfin de l'influence grandissante d'un lobby sécuritaire très lié à «l'air du temps».






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EAN
9782843032172
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