L'insurrection qui vient

COMITE INVISIBLE

FABRIQUE







Extrait

L'incendie de novembre 2005 n'en finit plus de projeter son ombre sur toutes les consciences. Ces premiers feux de joie sont le baptême d'une décennie pleine de promesses. Le conte médiatique des banlieues-contre-la-République, s'il ne manque pas d'efficacité, manque la vérité. Des foyers ont pris jusque dans les centres-villes, qui ont été métho­diquement tus. Des rues entières de Barcelone ont brûlé en solidarité, sans que nul n'en sache rien que leurs habitants. Et il n'est même pas vrai que le pays ait depuis lors cessé de flamber. On trouve parmi les inculpés toutes sortes de profils que n'unifie guère que la haine de la société existante, et non l'appartenance de classe, de race ou de quartier. L'inédit ne réside pas dans une «révolte des banlieues» qui n'était déjà pas nouvelle en 1980, mais dans la rupture avec ses formes établies. Les assaillants n'écoutent plus personne, ni les grands frères ni l'association locale qui devrait gérer le retour à la normale. Aucun SOS Racisme ne pourra plonger ses racines cancéreuses dans cet événe­ment-là, à quoi seules la fatigue, la falsification et l'omertà médiatiques ont pu feindre de mettre un terme. Toute cette série de frappes nocturnes, d'at­taques anonymes, de destructions sans phrases a eu le mérite d'ouvrir à son maximum la béance entre la politique et le politique. Nul ne peut honnêtement nier la charge d'évidence de cet assaut qui ne formulait aucune revendication, aucun message autre que de menace ; qui n'avait que faire de la politique. Il faut être aveugle pour ne pas voir tout ce qu'il y a de purement politique dans cette négation résolue de la politique ; ou ne rien connaître aux mouvements autonomes de la jeunesse depuis trente ans. On a brûlé en enfants perdus les premiers bibelots d'une société qui ne mérite pas plus d'égards que les monuments de Paris à la fin de la Semaine sanglante, et qui le sait.



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EAN
9782913372627
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