Les sciences économiques et sociales. Enseignement et apprentissages

Introduction

À l'échelle de l'histoire du système éducatif, les Sciences économiques et sociales sont une discipline récente. Créée en 1967, cette discipline scolaire a connu une histoire agitée marquée par la fréquence des remises en cause de ses objectifs et de ses méthodes venant notamment des milieux économiques. Elle a également donné lieu à de vifs débats au sein du corps des professeurs chargé de son enseignement.

A travers ces débats, l'identité de la discipline a progressivement évolué avant de connaître une véritable refondation avec les deux dernières générations de programmes entrées en vigueur au début des années 2000 puis au début des années 2010 (chapitre 1).

À une discipline scolaire proche de l'histoire et du programme de recherche de l'école des Annales, a succédé un enseignement qui se réfère de plus en plus nettement à la science économique, à la sociologie et à la science politique. À un enseignement qui se centrait sur la description des problèmes économiques et sociaux a succédé un enseignement qui transmet les outils d'analyse produits par les sciences sociales permettant de les expliquer. C'est donc l'épistémologie de la discipline scolaire qui s'est transformé en même temps que son rapport aux disciplines savantes de référence (chapitre 3). Les nouveaux programmes du cycle terminal (et notamment le préambule de ces programmes) marquent de ce point de vue une nette inflexion du fait même de l'importance qu'ils accordent aux enjeux épistémologiques. La spécificité des disciplines de référence est aussi affirmée dans la structure même du programme (qui distingue, pour la première fois, une partie science économique, une partie sociologie et une partie science politique).

Ces évolutions, pour autant, n'ont pas remis en cause une dimension fondamentale de l'enseignement des sciences économiques et sociales: les professeurs, comme les élèves, n'opposent pas l'acquisition de savoirs académiques et la volonté de comprendre le monde social. C'est le sens que les savoirs prennent pour les élèves qui explique sans doute le succès croissant de la série économique et sociale au sein du système éducatif français: accroissement des effectifs, taux de réussite élevé au baccalauréat et lors des poursuites d'étude dans l'enseignement supérieur (chapitre 2). La forte implication dans les apprentissages de nombreux élèves s'explique notamment par la volonté, très répandue chez les professeurs de la discipline, de prendre en compte les représentations des élèves (chapitre 5).

Les pratiques didactiques et pédagogiques ont aussi beaucoup évolué, comme le montrent notamment le contenu des manuels ou les épreuves du baccalauréat. L'enseignement des SES est plus systématique, les apprentissages sont organisés de façon plus méthodique (chapitres 4 et 6). On pourrait résumer ces transformations en disant que si le modèle dominant était à l'origine celui de la «pédagogie invisible», les professeurs ont progressivement pris conscience des risques que cela impliquait en matière d'inégalité dans l'accès aux savoirs. Sans se rallier pour autant à une «pédagogie visible radicale», ils ont progressivement infléchi leurs pratiques afin d'offrir aux élèves une classification plus explicite des savoirs et un cadrage plus ferme des activités d'apprentissage.

Ceci se traduit notamment dans les méthodes d'évaluation où l'accent est mis sur la cohérence nécessaire entre des objectifs d'apprentissages explicites, des activités d'apprentissage conduisant les élèves à l'appropriation de savoirs et des outils d'évaluation (chapitre 7). Le recours aux TICE (Technologies de l'information et de la communication pour l'enseignement) s'inscrit dans cette volonté de concilier autonomie des élèves et rigueur des apprentissages (chapitre 8).

Ce livre a donc une double ambition. D'une part, il contribue à une démarche réflexive en proposant une synthèse de l'évolution historique de la discipline et des débats qui la traverse. D'autre part, il permet aux nouvelles générations de professeurs (et de futurs professeurs) de Sciences économiques et sociales de s'inscrire dans cette histoire, de l'interroger et de se l'approprier de façon critique.