L'expédition de Humphry Clinker

Smollett Tobias ; Kleiman-Lafon Sylvie

PHEBUS

Les romans de Smollett, et celui-ci plus et mieux qu'aucun autre, évoquent irrésistiblement les tableaux du meilleur Hogarth : où le grand peintre anglais nous entraîne de salon en auberge, tous lieux peuplés par lui de barbons irascibles, de fiancées sacrifiées, d'aristocrates impécunieux, de valets filous et de toute sorte de charlatans imaginatifs. Que Smolett ait fait de Humphry Clinker un roman par lettres ne doit pas rebuter le lecteur d'aujourd'hui : il s'est en effet ingénié à malmener dans ces pages les conventions du genre (on y pleure très peu), et l'intrigue qui lie les cinq personnages importe infiniment moins que les amabilités qu'ils s'envoient à la figure. En bref... Matthew Bramble, un «squire» goutteux fort mécontent des progrès du monde (soit Smollett lui-même, à fort peu près), décide de s'aller soigner dans différentes villes d'eau d'Angleterre et d'Écosse, en compagnie de sa soeur Tabitha (une pingre en quête de mari) et de ses neveu et nièce (le «raisonnable» Melford et la bouillante Lydia, «romantique» avant la lettre). Et tous quatre de raconter, au fil de force lettres adressées à divers parents et amis, les tribulations d'un voyage riche en surprises - bonnes et mauvaises -, en aventures, en rencontres de toute espèce... Et Humphry Clinker, dans tout ça ? Humphry ?... Ah oui, le cocher, l'homme à tout faire... C'est, bien sûr, aux yeux de l'auteur, le protagoniste essentiel. Fidèle à ses maîtres, de sens pratique très développé, raisonneur comme pas un, il est un peu le Sancho Pança de l'affaire. Un admirable concentré des contradictions humaines en tout cas : très croyant mais révolutionnaire dans l'âme, soumis à l'ordre des choses et profondément irrespectueux, bricoleur et philosophe. On l'aura compris, Humphry est avant tout l'homme de son siècle, un personnage à la croisée des chemins, défenseur de l'antique bon sens mais prêt à brûler les idoles d'hier... En tout cas un individu d'un métal infiniment supérieur à celui de ses maîtres... et avec qui il n'est pas question de s'ennuyer.Ces cinq-là suffisent à Smollett pour résumer le monde ; et pour soumettre ledit monde à un réjouissant jeu de massacre (les pages consacrées à l'argent-roi, à l'enlaidissement du réel, à la vulgarité du progrès sont d'une méchanceté sans appel ; elles sont surtout étrangement prémonitoires : c'est aujourd'hui qu'il faut lire Smollett !). Il est vrai qu'il aura pris, pour matière de son livre, le sujet qui se démode le moins : l'imbécillité triomphante - laquelle, selon les spécialistes autorisés, aurait encore quelques beaux jours devant elle.Smollett était en son temps un homme «moderne» (détestant les préjugés et tout prêt à applaudir ceux qui fomentaient de culbuter l'hypocrisie sociale) ; mais c'était un homme lucide (n'attendant rien de bon de l'humanité même la mieux intentionnée). Qu'il ait eu si bien raison en tout est triste, mais ce n'est pas grave. L'important est - à nos égoïstes yeux - que ce voyageur impénitent, malgré les mille et une incommodités d'une existence durement secouée, fût resté en tout, et d'abord dans ses oeuvres, un si grand vivant. «Satire parfaite de l'homme, note Giono, Humphry Clinker est la vie même.» Et le même d'ajouter : «Si le romancier est cet homme "qui promène un miroir sur une route", Smollett est le romancier parfait.»Sentiment d'un autre connaisseur (Thackeray, le père de Barry Lyndon) : «L'histoire la plus désopilante écrite de main humaine depuis qu'est né l'art délectable du roman.»

22,30 €
En rupture de stock
EAN
9782752900623
Découvrez également sur ce thème nos catégories Arts , Soldes , Sciences humaines , Santé , Promotions , Papeterie , Littérature , Langues et Scolaire , Jeux-Jouets , BD-Manga , Bons cadeaux Internet , Chèques cadeaux , Emballages , Frais de port , Histoire - Actu - Eco , Jeunesse , Entreprise - Droit - Economie , Loisirs et nature , Sciences , Voyage , Histoire - Actu , Occasions dans la section Livres