La statue de la liberté

" Quand le morceau fut terminé, Malone, presque sans transition, attaqua Pretty Memory, un autre air de Bobby Timmons, suivi aussitôt par les deux autres. Big Louis, hilare, commença à se dandiner autour de son instrument avec cette élégance onctueuse, inimitable, des gros agiles. Haynes, observant Malone avec un sourire où il y avait de l'affection, tapait avec brio. Et la musique montait dans l'aube, s'écoulait dans Lenox Avenue. C'était un moment de grâce et de paix, une trêve magique au milieu de la violence, du soupçon et de la laideur. Les gens sortaient des immeubles. Les rares automobiles s'arrêtaient et les conducteurs en descendaient. Et ils considéraient avec étonnement ce trio bizarre composé de deux Noirs et d'un géant blanc qui jouaient avec un accord parfait et une conviction irrésistible. Et lorsque ce fut fini, ils éclatèrent en applaudissements et en clameurs. "