Les évaporés du Japon. Enquête sur le phénomène des disparitions volontaires

Revue de presse

Mikio
Évaporé depuis soixante-cinq ans
J'ai 12 ans, je pars. Mon père, marin, a toujours été absent, sûrement marié ailleurs. Ma mère nous élevait seule sur l'île d'Hokkaido, mes soeurs et moi. Elle travaillait dans une usine de filets de pêche. À la maison, elle était énervée, elle se fâchait contre tout, son travail, les mains qui lui faisaient mal, notre père envolé, les voisins, les placards vides, et les coups pleuvaient pour un rien. Je n'étais pas heureux.
J'ai 12 ans, je n'ai pas peur. Il y a toujours des bonnes âmes pour donner un peu d'argent à un gamin vagabond. J'erre, je dors là où la lune me guide. Je lui parle, à cette lune, pour qu'elle me protège et m'adopte. La nuit, le danger est partout. Je ne traîne pas longtemps. C'est la guerre. Nos soldats sont en Chine, en Corée, en URSS. La police militaire m'attrape dans une rue et m'envoie dans une usine d'avions. Ensuite, j'ai travaillé sur des chantiers sans être payé : j'avais un toit, c'était suffisant. Tant que tu manges, tu te tais. Il y avait beaucoup de travail dans la construction, le pays était détruit, mon chantier tenu par la mafia. J'ai vécu les batailles entre les yakuzas et la police, la vie sur des cartons. Nihombashi, l'odeur de la mort, un accident de voiture... --Extrait