Enfin un long voyage paisible

Un journal intime commence. Celui de Miss Yo. Qui décrit le vacarme merveilleux de ses années de vie auprès de Tania, dont elle a été la dame de compagnie, la confidente et le souffre-douleur. A l'en croire, Miss Yo n'a pas eu d'enfant, a sillonné le globe, suivant les parfums de fourrure, les extravagances et les désillusions de Tania. Elle raconte qu'elle a rencontré Tania lorsqu'elle avait une vingtaine d'années, dans l'un de ces hôtels cosmopolites, post-coloniaux, où s'essoufflait l'agonie des rêves d'une génération qui n'était plus de "chez nous" mais qu'on ne voulait plus non plus "là-bas". Et puis Tania est morte et Miss Yo est restée seule, sans cette lumière qui l'avait parfois blessée mais lui avait permis de vivre. Une jeune femme, incrédule, en larmes, lit ce journal : sa fille. Car la vie de Yolande n'a en fait rien à voir avec ce tableau idyllique. Une vie de demi-ombre, sans goût et sans odeur. Femme de chambre le soir dans un hôtel et serveuse le midi dans une grande brasserie. Jusqu'au jour où Tania a débarqué à l'hôtel dont le propriétaire était un ancien "entreteneur", puisque Tania avait fait profession de demi-mondaine. Yolande fut en fait fascinée par cette femme, fascinée par la chambre qu'elle avait meublée comme le mausolée d'une pharaonne, fascinée par tous les hommes qu'elle racontait, elle qui n'avait connu que son mari. Au point que Yolande avait insisté et voulu pénétrer dans la vie de Tania. Au point de tomber dans une démence précoce que personne n'avait devinée et que seul ce journal traduit.