Jonas Palimpseste. Réécritures littéraires d'une figure biblique

Extrait

Extrait de l'introduction :

La parabole la plus magnifique de la Bible hébraïque est le Livre de Jonas, véritable précurseur des paraboles de Jésus et l'ancêtre ancien du genre parabolique moderne.
«La parole de YHWH fut adressée à Jonas, fils d'Amittaï...» (Jon 1,1). Ce fils d'Amittaï est donc fils de «vérité» ou, plus exactement, fils de «mes vérités». De quelles vérités Jonas va-t-il devoir témoigner, au cours de son étrange périple ? Vers quelles vérités va-t-il nous conduire à sa suite ? Nous seront-elles livrées d'un coup à la première lecture du livre, ou nous faudra-t-il les découvrir, dans une révélation progressive, à travers le temps, après maintes autres lectures et réécritures ? C'est à cela même que nous tenterons de répondre dans l'essai que voici.
Depuis sa rédaction probable au Ve ou IVe siècle, par un auteur anonyme, jusqu'aux «Jonas» de notre modernité, le Livre de Jonas s'est multiplié, tel un manuscrit palimpseste, en réécritures diverses. Celles-ci toutefois sont toutes redevables au texte de base - lequel, riche en potentialité d'interprétations nouvelles, restera la source ou, pour parler en termes d'école, le texte-chose, l'artefact, non malléable à merci. Sans doute un texte comme celui-ci n'est-il l'exclusivité de personne, pas même de son créateur, et comme tout texte livré à la lecture, il est ouvert à tous ; surgi de l'humus vétéro-testamentaire, il va connaître, à travers des médiations séculaires, la traversée des temps, jusqu'à ce que disparition s'ensuive. Mais, pour le moment, l'histoire de Jonas tient bon, elle est une de celles, vivaces, qui demeurent.
La figure de Jonas ne sera donc pas une figure stéréotypée, pétrifiée dans sa gangue biblique. Ce sera une figure mobile dont la signification contemplée variera selon le contemplateur; car une figure mythique, propre aux symboles, comme celle de Jonas, dépasse son contenu historique et sociologique d'origine et continue à «resignifier», non pas sur le mode de la répétition, mais sur celui de la découverte, à chaque nouvelle époque, soit à travers les commentaires des exégètes, soit dans les adaptations narratives des littérateurs ; à savoir, dans l'un et l'autre cas, dans les «relectures» qui en auront été faites. De telles «métamorphoses» sont toujours sélectives, c'est-à-dire limitées aux codes collectifs «qui définissent la situation historique du récepteur».