Défiscalisées

Besson aime mettre en scène des femmes pathétiques et des hommes grotesques. Quand ils jouent la comédie de l?amour, c?est encore mieux. Dans l?île de Majorque, une très belle propriété de milliardaire avec piscine pour décor. Deux femmes, Stella, "une blonde cendrée au regard perdu de myope" et Anémone, obsédée par sa ligne. Bien qu?elles approchent la cinquantaine, les filles complotent comme des gamines pour faire venir un ancien amant de Stella, Lucien, un cuistot chauve, rondouillard et pas très aimable, dont Stella est restée éperdument amoureuse.
Ceux qui connaissent Patrick Besson retrouveront le goût de son désenchantement amoureux et l?élégance de ses sophismes contradictoires que l?on prend au premier abord pour un revival hussard, avant de comprendre que, au-delà de la pose, est ancré un malaise existentiel réel et tangible, qui seul peut donner naissance à une telle écriture. Ceux qui ne connaissent pas Besson ? surtout s?ils sont riches, surtout s?ils sont défiscalisés, surtout s?ils ont une piscine ? vont être effrayés de se reconnaître dans une satire si vénéneuse. Patrick Besson voudrait que ses héros soient bons et désintéressés, que leur vie soit spirituelle et désinvolte. Mais la vie justement ne peut leur offrir que le doute, la jalousie, la cupidité, l?échec. Et ce n?est pas une question d?argent. Bien au contraire. Les héros de Défiscalisées promènent sur leur jeunesse et sur les choses "un air hagard d?inspecteur des ruines". Leurs souvenirs, un peu comme des héros de Fitzgerald au rabais, sont faits de noms de palaces, de belles robes et de marques de voiture que le temps rend démodés. Il ne leur reste plus que ça : la mode et les régimes minceur pour trouver une raison de vivre une fois passée la cinquantaine. Besson est impitoyable. On en redemande. --Denis Gombert