LA RUMEUR

En juin 1950, à la suite de glissements de terrain jamais enregistrés avec une telle force dans l'Himalaya, des rumeurs commencèrent à circuler. La seule explication retenue - un tremblement de terre - était totalement imaginaire. Aucune secousse n'avait eu lieu, aucun séisme n'avait été enregistré. Un fait inhabituel - une pluie incessante qui en trois jours déversa le tiers de la moyenne annuelle des pluies sur la région - ne fut pas retenu par la population. Cet essai repère les processus les plus significatifs de la construction d'une rumeur, en analysant les modes d'élaboration de son message et de sa transmission, l'un et l'autre dans une situation d'étroite interdépendance. Si cette forme de pensée sociale qu'est la rumeur se maintient, alors qu'il n'y a ni visée ou mot d'ordre ni embryon d'organisation, l'explication en est à rechercher à la fois dans la nature du médium, le bouche-à-oreille, et dans une causalité verticale qui tient compte des différents stades de gestation du phénomène. Les travaux qui ont défriché la question n'ont pas pris en compte tous ces éléments. Une analyse critique des expérimentations faites sur le terrain et en laboratoire permet à l'auteur de faire des hypothèses nouvelles et de proposer une approche plus sociologique, qui n'avait pas encore été tentée.