Lettre à son père sur la mort d'Etienne de La Boétie

Montaigne Michel - Delacomptée Jean-Michel

GALLIMARD

Le portrait que Montaigne a tracé de lui-même comprend bien
des lacunes. Raisons politiques, scrupules, goût du secret, il a
jugé nécessaire de rester muet sur certains épisodes, de voiler
certains faits. La Saint-Barthélemy, par exemple: il n?en
souffle mot. Rien d?étonnant si, dans les Essais, on ne
rencontre aucune représentation solide d?Etienne de La Boétie.
Même le chapitre qui lui est consacré, De l?amitié, n?évoque
qu?une silhouette. Pour remplir les blancs on pourrait imaginer
des fictions, mais quels éléments choisir? sur quels critères?
Mieux vaut s?en tenir aux documents, si minces soient-ils. En
ce qui concerne La Boétie, ils sont plus que minces: infimes.
Montaigne nous le révèle avec parcimonie. Seule la lettre qu?il
adresse à son père l?expose dans sa présence effective. Cette
lettre fut imprimée à Paris sept ans après la mort de l?ami.
Mais quand, précisément, l?a-t-il écrite? juste après la
disparition d?Etienne? Ou l?ayant écrite alors, l?a-t-il
retouchée ensuite? Ou bien l?a-t-il écrite peu avant de la
publier, voire dans l?intention de la publier? Mystère.
Cependant une chose est sûre: le 23 juillet 1570, Montaigne
résigne sa charge de magistrat au parlement de Bordeaux.
D?août à novembre, il consacre son loisir à la publication de
quelques feuillets de La Boétie. L?air de l?époque est pesant:
Montaigne renonce à publier Le Discours sur la servitude
volontaire ainsi que certain Mémoire de nos troubles sur l?édit
de janvier 1562. Cette absence symbolise parfaitement le peu
de matière que La Boétie nous a laissée. Sauf dans la lettre sur
sa mort. Un récit sans rhétorique où on ne le voit guère, mais
où il parle. On lit. On souffre avec lui. On l?écoute. Et
l?émotion nous emporte.

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EAN
9782070137992
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