Plus vite que son ombre

McNab Tom - Chaumont Thomas

AUTREMENT

1. Des fous dans la valléeLoup Blanc devait toujours se rappeler le jour où les fous débarquèrent dans la vallée.Il avait longtemps rêvé d'un tel moment: l'arrivée de l'homme blanc, pendant que tous les guerriers étaient absents et qu'il restait seul pour sauver la tribu. Alors son père, Chien Rapide, rentrerait, et Loup Blanc lui montrerait le résultat de sa victoire, les scalps sanguinolents qu'il aurait accrochés au tipi de Chien Rapide.Mais cela ne s'était pas passé du tout comme dans son rêve. Son père, ce matin-là, l'avait posté au sommet de la falaise qui dominait la vallée et il avait passé des heures à scruter en contrebas, le long des pentes accidentées, le chemin sinueux qui la traversait, le seul chemin vers l'est, en direction du village de l'homme blanc, à une journée de cheval. Personne n'était apparu et, à midi, il avait fini par s'affaler, le dos posé sur un rocher plat au-dessus du canyon, profitant, à moitié endormi, de la chaleur du soleil de printemps sur son corps brun et trapu.Quelque temps plus tard, il s'était mis à s'entraîner à l'arc, prenant pour cible un yucca tout tordu à vingt pas. Il avait tiré une centaine de fois et seules seize flèches avaient atteint leur cible. Puis ses bras avaient commencé à montrer des signes de fatigue et il était rentré en traînant le long des pentes, envoyant des pierres valser à coups de pied, vers les fumées lentes et verticales du campement, cent mètres plus loin, sur les rives d'un ruisseau en crue. Il avait erré dans le village, s'amusant à fouetter les chiens du campement avec une branche et s'arrêtant un instant pour observer ses amis en train de taquiner trois moineaux attachés.Il marchait vers la tente de sa soeur, Etoile du Matin, au bout du village, près du ruisseau. C'était pour sa fête que les guerriers étaient en train de chasser, fête qui devait marquer le début de son âge de femme. Cinq jours de célébration dont elle ne pourrait rien voir. Puis on lui épilerait les sourcils et elle serait disponible pour ses prétendants. Loup Blanc savait que ce devait être un grand événement, ponctué des récits flamboyants de guerriers à la peau tannée racontant leurs batailles contre les Espagnols, ou bien les jours anciens, quand un Sioux à cheval muni d'un carquois rempli de flèches constituait un adversaire plus que respectable pour l'homme blanc et sa carabine si lente à recharger. Quoi qu'il n'ait jamais compris la signification de la fête, elle était synonyme pour lui de viande de chevreuil à satiété, de gâteaux au miel et peut-être même d'une gorgée interdite de la puissante twilt-kah-yee.À cette pensée, sa faim se manifesta de façon plus aiguë. Approchant du tipi d'Étoile du Matin, il la trouva absorbée dans sa tâche. Elle se tenait accroupie au soleil, occupée à coudre guirlandes et clochettes à l'ourlet de sa robe en daim marron. Il se tint au-dessus d'elle, se balançant d'un pied sur l'autre, cherchant à attirer son attention. Sans montrer qu'elle avait remarqué sa présence, elle s'arrêta brusquement et entra en rampant dans son tipi.Il sembla à Loup Blanc que des heures passaient avant qu'elle émerge à nouveau, les bras dans le dos, une étincelle dans ses grands yeux noirs.- Ferme les yeux et tend les mains, dit-elle.Il obéit et sentit quelque chose de mou dans l'une de ses mains, et dans l'autre quelque chose de dur, un peu comme du cuir.- Ouvre les yeux!

22,00 €
Disponible sur commande
EAN
9782746734890
Image non contractuelle