Les enfants du Chambon

Nous n'enseignons que manoeuvres sanglantes qui, lorsqu'elles sont connues, reviennent infester leur inventeur.

Shakespeare, Macbeth.

Les chiens se mettent à aboyer et Guy, dix ans, surgit à la porte de la cuisine.
«Les Allemands! Ils arrivent!»
Le visage de Klara devient blême, on dirait que le sang s'en est retiré. Je n'arrive plus à respirer. Mme Debard n'hésite pas une seconde. «Par ici», dit-elle.
Elle nous conduit jusqu'au mur de la maison contre lequel est entassé le bois pour l'hiver.
«Aide-moi», ordonne-t-elle à Guy en écartant un tas de bûches d'un seul geste, et je comprends alors qu'elles ont été attachées ensemble avec du fil de fer. Elle nous fait signe de nous glisser derrière et nous obéissons. Aussitôt les bûches sont remises en place et nous nous accroupissons dans le minuscule espace qui nous reste. Il fait noir. Mon coeur bat à grands coups. Je suis en sueur et, pourtant, j'ai froid. J'entends le souffle court de Klara. Nous n'osons pas parler. Les aboiements des chiens deviennent de plus en plus forts. Les Allemands nous cherchent.
S'ils nous trouvent, les fermiers qui nous cachent risquent d'être exécutés sur-le-champ. Et nous avec eux. Cela peut arriver maintenant. Tout de suite. J'essaie de respirer plus calmement. Je ne veux pas mourir aujourd'hui! J'ai promis à maman de ne pas mourir! Elle m'obligeait à lui faire toutes sortes de promesses et je crois que c'est le seul moyen qu'elle avait trouvé pour m'empêcher de faire des bêtises après la mort de papa. Je venais d'avoir huit ans.