Chambre s 10
Pour Pierre Sudreau, parti le 22 janvier 2012,À Jacques,A Patricia.I. PREMIÈRE VISITELe premier jour, assis sur le lit de la chambre S 10, vous portiez autour du cou un rectangle de plastique blanc et jaune, semblable aux badges distribués aux journalistes dans les congrès et les meetings et que j'ai longtemps collectionnés avant de les ranger dans une boîte à chaussures, le jour où j'ai cessé de partir en reportage.Le premier des badges de ma collection, un morceau de carton bleu, date du programme de Raymond Barre, connu sous le nom de «Programme de Blois». Il s'agissait pour le Premier ministre de sauver une situation électorale que tout le monde croyait perdue pour la droite, deux mois avant les élections législatives. Le président de la République, Valéry Giscard d'Estaing, avait déjà évoqué la perspective d'une cohabitation avec un Premier ministre de l'Union de la gauche, et annoncé qu'il se retirerait dans cette hypothèse à Rambouillet pour ne plus s'occuper que des affaires du monde. Et aller à la chasse, accessoirement.Raymond Barre, le 7 janvier 1978, avait annoncé un catalogue de propositions aussitôt oubliées, à la tribune d'un chapiteau mal chauffé au sud de la Loire, devant un public savamment trié par la Préfecture - de ce point de vue, les temps n'ont pas changé. En l'accueillant, dans un discours qui commençait par «Souffrez, Monsieur le Premier ministre...» (Le Matin de Paris en avait fait un titre), vous lui aviez servi votre phrase préférée de Balzac: «Le zèle effleure la duperie», tirée du Lys dans la vallée, cet hymne à l'amour et à la Touraine que je relis presque chaque été. Puis vous aviez prononcé une phrase dont vous étiez très fier: «Il n'y a pas de père Noël pour les peuples», et que vous m'aviez fait l'honneur de tester sur moi quelques jours auparavant. Les conseillers municipaux se bousculaient dans les premiers rangs pour être sûrs d'être en photo dans La Nouvelle République. Le Premier ministre était semblable à ce qu'il serait toujours: ennuyeux, sérieux, sans démagogie, pas sympathique.Après les discours, on avait frôlé l'incident: Simone Veil, ministre de la Santé, avait oublié sa toque de fourrure au château de Blois, où était donnée une réception après ce meeting qui ne disait pas son nom. Le gouvernement au grand complet avait été transporté en car, pour éviter les cortèges officiels trop voyants. Déjà, la République tentait d'être modeste. Pourquoi avoir choisi Blois, où s'agitaient quelques milliers de manifestants et quelques dizaines de CRS? Parce que c'était «la ville moyenne la plus proche de Paris par l'autoroute», m'aviez-vous répondu en faisant mine de vous plaindre de cet honneur gouvernemental.
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EAN
9782915293753
Caractéristiques
| EAN | 9782915293753 |
|---|---|
| Titre | Chambre s 10 |
| Auteur | Houchard Béatrice |
| Editeur | TIRESIAS |
| Poids | 110gr |
| Date de parution | 01/01/2013 |
| Nombre de pages | 72 |
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