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LE POUVOIR ET LA REGLE. Dynamiques de l'action organisée

Friedberg Erhard

POINTS

Cet ouvrage est placé sous le signe du dialogue. On n'y trouvera pas par rapport à L'acteur et le système, écrit en collaboration avec Michel Crozier (1977) de grands changements théoriques ou même un projet différent : il s'agit encore à travers les acquis de l'analyse des organisations et des concepts comme ceux de "pouvoir" et de "système d'action concret" de définir un cadre général d'analyse de l'action collective. Mais, alors que le premier ouvrage accordait une grande place à l'explication du modèle et aux exemples, celui-ci s'engage directement dans la confrontation avec d'autres approches sociologiques. C'est tout d'abord avec le projet initial de la sociologie américaine de constituer l'organisation comme un objet spécifique, dont on pourrait donner des lois de développement, que Erhard Friedberg prend ses distances. Il souligne les impasses des tentatives de modélisation à partir d'une définition a priori du comportement des individus, d'une vision purement instrumentale des organisations ou d'une analyse d'une adaptation de celles-ci à différents types d'environnement. Dans tous les cas on est condamné à osciller entre des modèles très rustiques et simples à manier (l'acteur rationnel omniscient, un modèle écologique d'adaptation à l'environnement) qui ne correspondent pas à la réalité des comportements observés, et des modèles plus sophistiqués qui conduisent à multiplier les hypothèses pas toujours fondées (par exemple sur la psychologie de l'acteur) sans aboutir à vraiment rendre compte des comportements observés.
Ce refus se retrouve naturellement dans la dernière partie consacrée à une epistémologie qui pourra laisser sur sa faim l'amateur de projections. L'auteur souligne la spécificité locale irréductible de chaque situation et de la structuration singulière des relations issues d'une multitude de facteurs. Le travail du sociologue consiste alors essentiellement à aider les acteurs de cette situation à mieux comprendre ce système d'action concret en multipliant les éclairages sur celui-ci et en proposant quelques éléments de comparaison, ce forum devant permettre une résolution de certaines difficultés rencontrées.

Le coeur de l'ouvrage est consacré à un débat avec différentes approches récentes qui, en France, ont renouvelé l'analyse des modalités de constitution de l'action collective tant du côté de l'économie que de celui des sciences de la gestion ou de certaines branches de la sociologie. Le premier apport de Friedberg est de montrer que, malgré certaines divergences, ces travaux peuvent être mis en relation avec les apports de la sociologie des organisations. On voit ainsi apparaître une certaine convergence de préoccupation autour du problème de la "régulation mixte des contextes d'actions", à savoir : quelle est la nature des processus par lesquels sont stabilisés les processus de négociations à travers lesquels se forge l'action coordonée des hommes. Ce qui pose en particulier le problème de "règles" en un sens large qui à la fois encadrent les négociations et sont un des objets de celles-ci.

L'importance accordée aux réflexions sur les limites du découpage marché-organisation peut inviter aussi à une lecture plus symptomatique de l'ouvrage comme le suggèrent les premières lignes dans lesquelles E. Friedberg évoque le double mouvement des années 1980 de montée du libéralisme et de remise en cause de celui-ci ou, en d'autres termes, du délicat choix du bon degré d'organisation. --Futuribles-- -- Futuribles
L'homme... ce merveilleux empêcheur d'organiser en rond...
Ce que dit E. Friedberg en filigrane tout au long de son livre, c'est que les êtres humains et leurs environnements étant tous différents les uns des autres, il faut, pour les comprendre, que le sociologue opère en observateur départi de tout préjugé. Certes, ses connaissances de l'Entreprise sont larges, il tient quelques solides idées quant à ses forces, ses limites ; mais tout cela, lorsqu'il intervient, ne doit en rien voiler son regard direct, sa démarche de découverte. Voilà pour ce qui est du livre d'un sociologue s'adressant à d'autres sociologues...

Mais pour nous autres aussi, gens d'entreprises, y vivant au quotidien, l'approche de l'auteur est intéressante, et à plus d'un titre. Friedberg, en tenant compte de vérités premières que nous avons perdues de vue, démasque certaines idées reçues (et donc rarement remises en cause), telle que, par exemple, la notion de rationalité. Lorsque nous raisonnons sur nos entreprises, nous le faisons souvent à partir d'un postulat faux : l'homme au travail est parfait.
C'est-à-dire qu'il dispose de toute l'information, est au clair avec ses choix, eux-mêmes forcément cohérents ; en outre, il est capable de les mettre en oeuvre après les avoir comparés aux autres possibilités en toute objectivité. Nous ne formulons assurément pas cela explicitement, mais nous agissons comme si... Alors qu'à l'évidence l'être humain ne dispose que d'une "rationalité limitée", laquelle ne peut produire que des "quasi solutions ou des sous optimisations". Nous gagnerions sans doute en efficacité en acceptant lucidement que nous ne pouvons jamais être efficaces totalement. Toute décision, même la meilleure, porte en elle la trace de la rationalité limitée de celui (ou celle) dont elle émane.

Par conséquent, si la décision ne produit pas l'effet escompté, on ne peut donc y opposer la seule irrationalité des exécutants. En terme d'organisation comme dans la vie en général, c'est le facteur humain, la dimension émotionnelle de l'homme, qui préside aux succès ou aux échecs. Que nous en soyons conscients ou non, les acteurs jouent au mieux de leurs intérêts et font en quelque sorte ce qu'ils savent faire au moment où ils le font.

Il en va ainsi de la règle et du pouvoir. Les relations de pouvoir ne peuvent s'exercer qu'au travers d'échanges négociés (explicitement ou non) de comportements. Nous n'avons sur les autres que le pouvoir qu'ils veulent bien nous accorder. Et les autres n'ont sur nous que celui que nous acceptons de leur donner. Il existe un lien irréfutable entre pouvoir et coopération, entre pouvoir et échange. L'auteur va jusqu'à dire "comme l'amour et la confiance, le pouvoir est inséparable de la relation à travers laquelle il s'exerce." Le pouvoir se manifeste toujours dans le but d'obtenir quelque chose d'un tiers, personne ou institution. (Y compris dans sa forme perverse où le seul objectif devient d'engendrer la soumission en tant que telle.)

Bien sûr, interviennent dans la relation le contexte, l'environnement, mais d'une façon générale le "subordonné", de quelque niveau qu'il soit, tendra à augmenter sa marge de liberté par rapport aux règles du jeu du système, et ce jusqu'à ce qu'il atteigne la limite qui mettrait en péril les ressources ou bénéfices que lui-même tire de l'organisation. Aussi, la règle a t-elle pour fonction de soutenir le pouvoir, mais également d'en marquer les frontières, de le contenir. L'idéal étant de trouver un juste milieu entre arbitraire total et règles absolues. In medio stat virtus, quoi de neuf ? !

Reste que, de quelque façon qu'on s'y prenne, nous ne parviendrons jamais à définir de façon constante et inébranlable une logique des comportements humains, des schèmes reproductibles et fiables universellement. Et c'est tant mieux, même si cela complique quelque peu la tâche des managers. De surcroît, notre époque tend à développer entre les organisations de tous types, une labilité des frontières qui complexifie encore les données d'analyse, puis de diagnostic.

Le pouvoir et la règle est un livre dense, qui se répète parfois. Il est cependant possible de l'ouvrir à n'importe quel chapitre et d'en faire son profit.
Et que l'homme reste innombrable !
Tout type d'organisation peut être l'objet d'une lecture organisationnelle.
Cette lecture consiste à dévoiler et à comprendre les mécanismes et les processus qui rendent possible l'action collective, quelle qu'elle soit. Mécanismes et processus assurent, au fil des événements et des situations, un minimum de coordination et d'ajustement entre les comportements des acteurs.
Les cadres de l'action sociale sont aujourd'hui fragmentés, partiels et localisés.
La stabilité qu'engendraient les logiques globales d'hier a cédé la place à des ordres locaux et autonomes, ayant des dynamiques spécifiques. Il est dès lors nécessaire de mettre en place une méthodologie reconnaissant cette autonomie si on veut en saisir les modalités de fonctionnement.
Le pouvoir n'est pas dissociable de la règle : il la génère automatiquement.
Toute organisation, et quel que soit son degré de complexité, est toujours organisée autours de ces deux faces que sont le pouvoir et la règle en tant qu'éléments co-substantiels. Cette double caractéristique autorise la stabilisation de l'univers complexe et instable propre au système "organisation". -- Idées clés, par Business Digest


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EAN
9782020310062
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