Les 301 marches de Cordouan. Ma vie de gardien de phare
Préambule
Si vous m'aviez dit, le 19 mai 1976, que je deviendrais gardien de phare, j'aurais probablement mis cette prévision sur le compte d'une soirée bien arrosée et je vous aurais ri au nez. Le seul phare dont je me souvenais était celui qui se dressait, menaçant, au large de Soulac, quand mes parents m'emmenaient à la plage les beaux dimanches d'été. À leurs yeux, et cette image était bien ancrée dans ma mémoire, un gardien de phare était un personnage étrange, une sorte de héros dont la capacité à survivre dépassait l'entendement: «Comment peuvent-ils supporter de vivre là-bas? Comment font-ils pour s'approvisionner? Et quand il y a des tempêtes? Quel courage quand même! Tu t'imagines, Jean-Paul, vivre dans un endroit pareil?» Non, le Jean-Paul d'avant n'imaginait pas un seul instant de vivre là-bas. Non seulement l'idée lui paraissait saugrenue, mais il ne se sentait pas l'étoffe d'un héros menant une vie d'ermite au milieu de l'eau. Il ne voyait d'ailleurs pas quelle sorte de héros, même désespéré, pouvait passer sa vie à Cordouan.
C'était avant, bien avant, quand du haut de mes dix ans, j'étais persuadé que les gardiens de phare passaient leur vie enfermés dans ce qui me semblait être une prison, en pire. C'était avant l'accident.
Si vous m'aviez fait cette même prédiction, le 20 mai 1976, je l'aurais classée dans le flot de paroles délirantes, celles que les gens peuvent avoir quand ils sont en état de choc. Plus vraisemblablement, la douleur m'aurait empêché de vous écouter. On est peu de chose face à un tractopelle... Une double fracture du péroné, le tibia affaissé, huit mois d'arrêt, et les médecins qui vous interdisent de poursuivre une carrière d'autant plus prometteuse que vous vous étiez dit: «Ce métier-là, il est fait pour moi!» Chef de chantier à 24 ans, j'aimais le métier de maçon depuis que j'avais quitté l'école en 1966, à l'âge de 14 ans. À l'époque, certificat d'études en poche, je ne voulais plus jouer sur la plage de Soulac, mais dans la cour des grands.
J'avais trouvé un job d'été au centre naturiste. Sacrée expérience! Les trois premiers jours, l'adolescent que j'étais ne savait plus où donner de la tête. Ensuite, on s'y fait, le calme revient et à la rentrée, j'étais plutôt content de devenir apprenti.
Par la suite, je m'étais marié avec la vacancière de mon coeur. Depuis plusieurs étés, elle venait passer des vacances avec sa famille du côté de chez moi, et je l'avais finalement suivie à Paris. Non pas que je rêvasse de la capitale, mais elle y préparait sa maîtrise de coiffure, chose qui aurait été compliquée dans notre pointe isolée du Médoc, et elle avait déjà son appartement. À l'époque, surtout à Paris, on trouvait facilement du travail. J'avais eu la chance, aussi, de tomber sur une bonne entreprise et chaque jour m'apportait son lot de satisfactions. J'étais fignoleur et le travail était varié: monter des cheminées, tailler des pierres, conduire des engins de chantier, des poids lourds... Quand j'ai su que tout cela était fini, j'ai connu une forme de désespoir. Ma vie était brisée et je ne savais plus quoi en faire. Ma femme et moi avons quitté Paris pour Soulac où vivait ma famille et où, nous semblait-il, la vie serait plus facile.
| EAN | 9782817702346 |
|---|---|
| Titre | LES 301 MARCHES DE CORDOUAN |
| ISBN | 2817702344 |
| Auteur | Eymond Jean-Paul ; Lydie Virginie |
| Editeur | SUD OUEST |
| Largeur | 145mm |
| Poids | 323gr |
| Date de parution | 12/09/2012 |
| Nombre de pages | 203 |
| Emprunter ce livre | Vente uniquement |









