Les espaces de la folie

Objet de notre perception, sujet de nos représentations, l'espace est notre élément premier. Dans les maladies mentales, il est déformé, amputé, instable, il perd sa mesure. Les observations cliniques et les déductions qui en ont été faites révèlent les altérations que subissent les espaces pathologiques. Cette topologie de la folie en elle-même éclaire la conception et la pratique des espaces thérapeutiques. La loi de 1838 instaurait l'hôpital psychiatrique qui devait permettre de sortir le fou du néant dans lequel l'avait plongé la société classique. Mais cet asile, refuge, instrument de guérison, est devenu en un siècle, avant même la fin de son édification, symbole de l'exclusion, du surencombrement et de la chronicité. L'architecture psychiatrique, lieu et décor du traitement, représente la formalisation des orientations thérapeutiques. De l'asile au secteur, du traitement moral au traitement social, elle s'est dispersée au fil des modes et des modèles, essayant de rompre avec l'asile autarcique, cette société close et abusive, sans toujours y parvenir. Si le traitement de la folie nécessite des lieux de vie, de communication, d'échange et de sécurité, l'architecture thérapeutique, humaine et soucieuse de tous ses usagers, attentive aux plus fragiles, doit être, autant qu'elle le peut, une invitation à vivre l'espace, dans le respect de la dignité des malades.