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Mille excuses

Dee Jonathan ; Peellaert Elisabeth

PLON





Extrait



Helen s'efforçait de ne pas regarder sa montre, regarder sa montre ne changeait jamais rien, mais il était déjà sept heures moins le quart et les phares de la voiture de son mari tardaient à apparaître en haut de la colline. La nuit était tombée, pour distinguer quelque chose dehors elle devait poser le front contre la fenêtre de la cuisine, les mains en visière. Meadow Close était un cul-de-sac, et si elle ne pouvait reconnaître la voiture elle-même, dès l'instant où des phares éclairaient la côte, il y avait une chance sur six que ce fussent ceux de Ben. Plutôt une sur trois, d'ailleurs, car en tournant légèrement la tête dans la coupe formée par ses mains, elle voyait le véhicule des Hugues garé dans leur allée, celui des Griffin et cet Hummer d'un jaune obscène qui appartenait au Dr Parnell...
- Maman ! cria Sara depuis le salon. Est-ce que je peux avoir encore de l'eau gazeuse ?
À quatorze ans on avait l'âge de lever ses fesses de sa chaise et d'aller se servir un troisième verre d'eau gazeuse. Mais c'était mardi et le mardi soir, invariablement, un sentiment de culpabilité régnait dans l'air, raison pour laquelle, déjà, Sara dînait devant la télé; Helen se contenta donc d'ajouter avec insistance : «S'il te plaît ?»
- S'il te plaît, fit Sara.
En refermant la porte du réfrigérateur, Helen ne put s'empêcher de jeter un coup d'oeil à la pendule. Sept heures moins dix. Monsieur Passif Agressif frappe encore, se dit-elle. Elle n'était pas toujours sûre de bien comprendre cette expression - passif agressif-, mais elle s'en servait d'instinct chaque fois que Ben manquait à sa parole. Installée sur le canapé, son plateau sur les genoux et les pieds sur la table basse, Sara regardait un reportage télévisé cauchemardesque sur des filles riches; elle avait gardé ses protège-tibias mais au moins elle s'était donné la peine d'ôter ses chaussures à crampons. Helen posa la bouteille d'eau gazeuse sur la table, à bonne distance du pied droit de sa fille.
- Merci ? dit-elle.
- Merci, répéta Sara.
Là-dessus, toutes les deux tournèrent la tête vers le faisceau de lumière qui achevait de balayer la cuisine, et quelques secondes plus tard Helen entendit le claquement sourd et paresseux d'une portière. Au lieu de se détendre, elle sentit son irritation redoubler. Elle détestait être en retard, il connaissait bien ce trait chez elle, du moins il aurait dû. Ben franchit la porte d'entrée, vêtu de son costume gris ardoise, col ouvert, sans cravate. Quand il était préoccupé, expression qu'il employait pour dire déprimé, il avait la manie d'ôter sa cravate dans la voiture et de l'y laisser là; dimanche dernier, en passant devant son Audi dans le garage, Helen avait aperçu trois ou quatre cravates entortillées sur le siège passager. Elle en avait éprouvé un léger frisson qu'elle était incapable d'interpréter. Ben longea le couloir, posant un regard indifférent sur Sara, sur son plateau télé et enfin sur le poste, le visage toujours impassible; il était trop plongé dans ce qui l'absorbait pour même essayer d'exprimer sa désapprobation. Helen le suivit dans leur chambre. Il acheva de vider ses poches sur la commode puis se tourna vers elle sans le moindre semblant d'intérêt, on aurait dit qu'elle s'adressait à une photo de lui.
- Nous sommes en retard.
Il haussa les épaules, sans daigner consulter la montre attachée à son poignet.






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EAN
9782259221597
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