Philosophie N° 112 hiver 2011 : Philosophie animale française

David Alain - Afeissa Hicham-Stéphane

MINUIT

Sous le titre de philosophie animale, il faut entendre une discipline philosophique d?origine anglosaxonnedont la réflexion est centrée sur la responsabilité éthique des hommes à l?égard des animaux.Or, s?il n?existe pas vraiment de « philosophie animale française » ? les travaux français sur l?animalités?étant développés dans des perspectives très diverses sans souci d?unification ?, certains philosophesfrançais majeurs du XXe siècle ont cependant contribué au renouvellement de la réflexion surl?animalité. L?ambition de ce numéro est d?en mettre en lumière quelques aspects centraux.Il s?ouvre sur un entretien accordé par Levinas à des étudiants américains de l?université de Warwick.La réflexion sur l?animalité y est engagée par une question simple: si ce qu?entend Levinas par visagen?est pas la figure humaine perçue, mais est autorité et imploration, faut-il accorder le visage àl?animal? Avons-nous des obligations à son égard? Dans l?affirmative, qu?est-ce qui distingue le visageanimal de l?humain? Levinas y répond également aux objections derridiennes, récusant l?idée que saphilosophie soit prioritairement orientée sur le judaïsme et réaffirmant la pérennité de la philosophiegrecque.Sous le titre sibyllin « Apprivoiser la profusion sauvage des choses existantes », Clare Palmer proposeune application du concept foucaldien de pouvoir aux relations entre homme et animal; pensé commeune organisation réticulaire non susceptible d?être possédée par un individu, il suscite unemicrophysique du pouvoir. Dans ce cadre, Foucault oppose les relations de pouvoir à celles dedomination: là où les premières sont instables et réservent une possibilité de résistance, les secondesimpliquent l?élimination de toute forme de résistance. De ces deux concepts, lequel est adéquat pourpenser les relations entre hommes et animaux?Dans « Les deux corps sacrifiés de l?animal », Patrick Llored tente de montrer que la déconstructionderridienne est une philosophie qui, à la fois, réfléchit sur l?animal et se réfléchit en lui, et que laprésence massive de figures animales confère leur sens premier aux concepts centraux de différance,trace, supplément, pharmakon. Dans cette perspective, l?auteur montre comment le sacrifice(notamment carnivore) de l?animal possède une fonction cardinale dans le procès par lequel l?hommes?auto-assigne une subjectivité qui le distingue de l?animal, et comment la distinction entre l?hommecomme être vivant politique et l?animal comme être vivant a-politique se situe à l?origine de l?Étatmoderne.Enfin, Brian Massumi, traducteur de Deleuze en anglais, propose dans « Ceci n?est pas une morsure »une réflexion sur l?animalité et l?abstraction chez Deleuze et Guattari. Il y introduit le concept de surnormalité afin de repenser l?instinct animal et désigner la dynamique de déformation et detransformation qui caractérise certains comportements animaux étudiés par Tinbergen; loin, en effet,que cet instinct obéisse à des lois absolument rigides, il possède une part d?imprévisibilité et unedimension ludique que l?auteur tâche de penser en mobilisant des concepts empruntés à Deleuze etGuattari, ainsi qu?à R. Ruyer.

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EAN
9782707322241
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