L'esprit de Diderot / Recueil de maximes et pensées

Collectif

BALLAND

Histoire de Diderot
Par
Madame de Vandeul, sa fille

Denis Diderot est né à Langres, en Champagne, au mois d'octobre 1713.
Son père était coutelier; depuis deux cents ans, sa famille n'a point professé d'autre état. Il était recommandable par son exacte et scrupuleuse justice, beaucoup de fermeté dans le caractère et d'adresse dans son métier. Il avait imaginé des lancettes particulières. Denis, l'aîné de ses enfants, fut destiné à l'état ecclésiastique; un de ses oncles devait lui résigner son canonicat.
Il donna, dès l'âge le plus tendre, une preuve de profonde sensibilité: on le mena, à trois ans, voir une exécution publique; il revint malade et fut attaqué d'une violente jaunisse.
À huit ou neuf ans, il commença ses études aux Jésuites de sa ville; à douze, il fut tonsuré. La seule particularité qu'il m'ait contée du commencement de son éducation, est une querelle qu'il eut avec ses camarades; elle fut assez vive pour lui donner l'exclusion du collège un jour d'exercice public et de distribution de prix. Il ne put supporter l'idée de passer ce temps dans la maison paternelle et d'affliger ses parents; il fut au collège, le Suisse lui refusa la porte, il la franchit dans un moment de foule, et se mit à courir de toutes ses forces; le Suisse l'atteignit avec une espèce de pique dont il lui blessa le côté; l'enfant ne se rebute point, il arrive et prend la place qu'il avait le droit d'occuper; prix de composition, de mémoire, de poésie, etc., il les remporta tous. Sûrement il les méritait, puisque l'envie de le punir ne put influer sur la justice de ses supérieurs. Il reçut plusieurs volumes et autant de couronnes; trop faible pour porter le tout, il passa les couronnes dans son cou, et, les bras chargés de livres, il revint chez son père. Sa mère était à la porte de la maison, elle le vit arriver au milieu de la place publique, dans cet équipage et environné de ses camarades; il faut être mère pour sentir ce qu'elle dut éprouver. On le fêta, on le caressa beaucoup; mais, le dimanche suivant, comme on le parait pour l'office, on s'aperçut qu'il avait une plaie assez considérable; il n'avait pas même songé à s'en plaindre.
Né vif, aimant la chasse, s'il était toujours supérieur dans les devoirs de classe, il était très souvent inexact. Il se fatigua des remontrances de ses régents, et dit un matin à son père qu'il ne voulait plus continuer ses études.
«Tu veux donc être coutelier?
- De tout mon coeur...»
On lui donna le tablier de boutique, et il se mit à côté de son père. Il gâtait tout ce qu'il touchait de canifs, de couteaux ou d'autres instruments. Cela dura quatre ou cinq jours; au bout de ce temps, il se lève, monte à sa chambre, prend ses livres et retourne au collège. «J'aime mieux l'impatience que l'ennui», dit-il à son père; et depuis ce moment il continua ses classes sans aucune interruption.


14,90 €
Disponible sur commande
EAN
9782353152100