L'AUTRE FRANCOPHONIE

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LA FRANCOPHONIE EN EUROPE CENTRALE:
UN «IMPÉRIALISME DU PAUVRE» ET SES SUITES

Dans un article qui fait référence pour les spécialistes d'histoire des relations internationales, Georges-Henri Soutou a utilisé l'expression «impérialisme du pauvre» à propos de la politique économique française de l'entre-deux-guerres en Europe centrale. En effet, Paris n'avait visiblement plus les moyens de sa politique. C'est à dessein qu'est ici reprise cette expression pour qualifier la politique culturelle de la France, substitut d'une puissance militaire, économique et financière qui s'est affaiblie après ce sommet apparent qu'avait représenté la défaite de l'Allemagne, le 11 novembre 1918. J'ai pour ma part utilisé en 1983 le terme d'ersatz pour qualifier cette politique culturelle des premières décennies du siècle dernier qui, malgré un début de sérieux déclin dans les années trente, n'a cependant pas été sans succès. La preuve en a été la lutte radicale que les pouvoirs communistes d'Europe médiane allaient lancer dans la seconde moitié des années quarante contre la culture française, considérée comme une menace tant qu'elle n'était pas tamisée par le filtre marxiste-léniniste. Cette conception de containment culturel inversé s'est globalement maintenue dans l'Europe centrale soviétisée jusqu'en 1989, malgré de notables exceptions.

QUELQUES CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES HÉRITAGES

La francophonie en Europe centrale est en premier lieu un héritage. Et cet héritage est tout d'abord linguistique. Le français a bénéficié du privilège d'avoir été une des principales langues de communication savante en Europe centrale à partir du XVIIIe siècle, à la suite de la prédominance baroque de l'espagnol et de l'italien: il s'est alors répandu dans l'ensemble de l'Europe aristocratique et intellectuelle avec les Lumières. Le personnage le plus prestigieux de toute l'Europe, Frédéric II de Prusse, écrivait et s'exprimait en français: toutes les cours l'imitèrent. Le français, la mode française, le modèle français ne cessèrent de gagner des positions jusqu'à la Révolution française. On connaît le fameux Discours sur l'universalité de la langue française d'Antoine de Rivarol qui remporta en 1783 le concours organisé par l'Académie royale des sciences et belles-lettres de Berlin. Le français, bien codifié, langue de la France de Louis XIV, avait effectivement remplacé le latin comme langue de vulgarisation scientifique et intellectuelle, et comme instrument de communication internationale. Pourtant le texte de Rivarol, tout comme ce courant francophone, commençait par être contesté par les anglophones qui venaient d'inventer le mot «gallomanie», et les critiques à l'égard de la qualité et de l'universalité du français se multipliaient. D'ailleurs, l'anglomanie liée à une perception positive du parlementarisme anglais allait dans le sens de la critique de la monarchie absolue développée tant par Montesquieu que par Voltaire. L'éviction assez rapide de la France de l'Amérique et de l'Asie accéléra ce recul. En Europe centrale même, les dernières décennies du XVIIIe siècle virent se multiplier les apologies des langues vernaculaires alors que l'allemand était devenu langue administrative d'État sous Joseph II. Entre le séjour de Casanova en Bohême dans le château de Duchcov (Dux en allemand, où il mourut en 1798) pour rédiger ses Mémoires et le voyage de Chateaubriand venu voir à Prague en mai 1833 son roi déchu Charles X, le basculement a eu lieu.

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EAN
9782745324085
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