Et le souffle devient signe. Portrait d'une âme à l'encre de Chine, Edition revue et augmentée

Extrait

Nous qui ne sommes
Que traces des signes
Faut-il vraiment
Que pour t'atteindre
Nous passions par tant de détours ?

Le temps est venu de présenter au grand jour l'oeuvre d'une vie de patience. Alors que je mettais un point final à ce livre, une phrase, un soir, est montée doucement à ma conscience : «En accord avec soi.» On ne saurait mieux dire. Ma calligraphie a été une fermentation progressive. Durant un demi-siècle, tout en gardant le secret sur mes créations d'encre, j'ai travaillé sans relâche. J'ai eu le temps d'intérioriser un art qui engage tous les niveaux de l'être. Si ma calligraphie a quelque force, elle ne peut venir que de l'âge et de ce long cheminement...

La calligraphie m'a sauvé la vie

Enfant, j'ai été initié à la calligraphie, comme tous les Chinois des familles lettrées. Je me souviens des longues matinées d'apprentissage, de la patiente fabrication de l'encre, entre le bâton et la pierre, qui devenait peu à peu onctueuse et irisée ; je me souviens des feuilles froissées, veinées de végétal, et de notre père - excellent calligraphe, ayant fréquenté quelques grands de l'époque, tels que Yu Youren et Shen Yinmo - qui, inlassablement, nous faisait revenir à la charge, avec d'austères récits d'histoire dynastique; je me souviens des étés flamboyants où la calligraphie s'apparentait à une musique de gestes, où mon trait noir donnait parfois le velouté d'un son de violon.
--Ce texte fait référence à une édition épuisée ou non disponible de ce titre.