CHARTISME

CHASE

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«Je tiens dans ma main une charte, la Charte du Peuple» (mai-septembre 1838)

Prologue: Glasgow Green, 21 mai 1838

De l'avis général, la pluie qui tombait sans interruption le lundi 21 mai 1838 n'eut pratiquement aucun effet sur le spectacle extraordinaire dont Glasgow fut ce jour-là le théâtre. Toute la matinée, une foule toujours plus nombreuse s'assembla sur le Glasgow Green, se préparant à accueillir une délégation de la Birmingham Political Union (BPU). Aucune autre organisation anglaise n'aurait pu susciter un tel enthousiasme en Écosse. Et seuls les syndicats de Glasgow auraient pu monter un événement d'une telle ampleur. À 11 heures, défilant au son de quarante-trois fanfares, une procession commença à serpenter à travers la ville, en direction de Parkhead. C'est là que les attendait la délégation des Midlands, qui avait déjà pris la parole lors d'un meeting en début de matinée. À sa tête se trouvait Thomas Attwood, banquier, député de Birmingham et architecte de la BPU, peut-être le plus influent des groupes de pression parlementaires du début du XIXe siècle.
De Parkhead, l'assemblée revint au Green. Tout travail salarié s'était interrompu. Tout le long du chemin, les spectateurs se pressaient aux fenêtres; de nouveaux manifestants arrivaient dès qu'une brèche se formait dans le défilé. Marchant d'un bon pas, à quatre ou six de front, la procession était longue de trois kilomètres et mettait une demi-heure à passer par chaque endroit. Les participants portaient plus de trois cents banderoles. «Non à la qualification par la pierre et le mortier» disait un slogan, en référence au titre de propriété nécessaire pour avoir le droit de vote. De nombreuses bannières faisaient allusion aux omniprésentes Corn Laws: «L'imposition sans représentation est une tyrannie à laquelle il faut s'opposer», affirmait l'une d'elles, évoquant un dogme fondamental de la Révolution américaine. Sur le drapeau que portaient les manifestants de Strathaven, on ne lisait que les mots Religion et Covenant. Sa présence n'en constituait pas moins un puissant lien inscrivant les événements de la journée dans une tradition de résistance populaire à l'oppression gouvernementale. À la fin du XVIIe siècle, beaucoup de presbytériens écossais s'étaient vigoureusement opposé au contrôle de l'Église d'Écosse par la couronne d'Angleterre. Le drapeau de Strathaven avait été brandi en 1679, à la bataille de Drumclog, lors de laquelle les Covenantaires avaient libéré les prisonniers détenus par une force de cavalerie que commandait un personnage déjà tristement célèbre, le futur vicomte Dundee.
Il était 14 heures passées quand la foule, à présent forte de quelque 150000 personnes, se réunit à nouveau sur le Green pour écouter le discours d'Attwood. Mais d'abord, comme dans tous les rassemblements politiques de cette nature, certains détails de procédure devaient être respectés. James Turner, marchand de tabac et magistrat local, fut élu pour présider. Il rappela à son auditoire la nécessité de maintenir l'ordre, avant de présenter Thomas Gillespie. La foule l'acclama lorsqu'il déclara que «la richesse du pays, produit de l'industrie, était confisquée par des hommes tyranniques, dont les tables ployaient sous le poids des festins, tandis que des milliers de gens mouraient dans le dénuement». La solution était «d'exiger ces droits qu'ils croyaient accordés aux hommes par le Ciel, de balayer l'oppression oligarchique». Ces droits («que les législateurs de notre pays leur avaient confisqués») permettaient de participer pleinement et justement aux élections parlementaires.
Vint ensuite à la tribune William Pattison, secrétaire de l'antenne locale de la Steam Engine Makers"Society (la société des ouvriers fabricant les machines à vapeur) et membre du comité permanent des syndicats de Glasgow. Il remarqua avec satisfaction «que la procession de ce jour avait été montée par la seule classe ouvrière, sans la moindre assistance de l'aristocratie fortunée - (grande acclamation)». À Pattison incomba la tâche de proposer l'adoption d'une pétition, apportée de Birmingham. Celle-ci exprimait une profonde doléance concernant la réforme parlementaire de 1832: même s'il avait considérablement étendu le droit de vote, le Reform Act n'avait guère amoindri la domination des propriétaires terriens sur la vie politique, alors que les travailleurs n'avaient toujours pas voix au chapitre. Un vote de remerciement fut ensuite adressé aux hommes de Birmingham: «Ils se sont maintenant aperçu comme nous que le Reform Bill ne répond pas aux objectifs pour lesquels il avait été obtenu.»

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EAN
9782859447434
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