Mourir tendre

Régis Guy

SOLITAIRES INT

PERPÉTUE. - Pleinement éprise je voudrais, Alexandre, sur moi, posé, ton regard d'homme. Pleinement. Je voudrais, voudrais être, par toi, désirée. Pleinement. Je le veux, je le désire, je le veux, par toi, être par toi, déshabillée. Par toi seul, seul toi. Je scande, je souligne, m'y accentue. Alexandre, je veux à moi qu'il soit, à moi, ce corps-là, ma robe, l'enveloppe qui me contient, ce corps-là pour toi dénudé; ce corps, finalement, par toi, habité. Et ton regard, pendant cela, pendant ce temps-là; en ce maigre temps furtif, comme toujours dans ces moments-là. Ces moments maigres et furtifs comme le temps qui les contient, comme tous ces moments comptés, escomptés, contenus dans le temps. Ton regard, en ce temps, en ces moments-là, qu'il m'engloutisse. Auprès de toi, devant ta verticalité, que je m'effondre, que tu t'engouffres, et que nous soyons tous deux pulvérisés, abattus; abattus, pulvérisés comme une ville, comme un pays sous des canons de braises. Comme une ville se laisse abattre, un pays se laisse pulvériser sous le feu, sous les flammes des hommes. Une ville dans sa faiblesse de ville. Un pays dans toute sa sécheresse de pays. Et ces hommes et ces méchants qui s'y mettent avec leurs canons, avec leur feu, avec leur flamme, dans tout leur emportement.Alexandre, nous, abattus, pulvérisés. Que je m'effondre. Que tu t'engouffres. Que l'on s'écroule. Et que nous soyons tous deux emportés. Emportés, ruinés. Anéantis; emportés, ruinés, embarqués; pour que tu nous chavires. Car moi, je le suis déjà transportée, chavirée, détruite, bannie, anéantie par le souffle rageur de notre emportement. Alexandre, m'entends-tu? Alexandre, entends-tu mon corps, l'entends-tu réclamer ton assaut, ton arrimage, ton lest, ton contenant, ton contenu. Ton lest. Ton lest Alexandre. Relâche-toi. Ne retiens pas. Lâche, laisse tout toi tomber. Comme l'eau, tombe. Tombe, envahis-moi. Baigne, goutte, ravage. Tombe. Sois l'eau de la source et moi ta rivière. Moi, ta rivière, je coulerai pour ta gouverne. Je me laisserai écrouler rien que parce que tu chutes. Tombe, jaillis, gicle, fuse, lave, blanchis, souille, ravage, bouleverse, massacre. Tombe, baigne-moi. Tombe, tombe Alexandre, tombe. Jaillis, rejaillis et massacre, massacre-moi. D'eau, de volupté, massacre. L'eau ne connaît pas de barrière. Alexandre. L'eau n'en connaît pas. Je te veux, je te désire, je te veux. Moi, rivière. Je t'attends, j'attends, je n'attends pas, je n'attends plus, je ne peux plus attendre. Tombe. Comme l'eau, je n'attends pas, l'eau n'obéit jamais, nullement jamais. Moi rivière et toi l'eau n'attendons pas, n'attendons plus. On ne peut pas, on ne peut plus attendre. Tombe, car moi je veux, je désire, je veux. Être massacrée, par tes chutes, je veux, je désire, je veux. Déjà je vibre, comme le fond du bassin s'enivre à l'attente de l'eau de la chute, je vibre déjà. Comme le bassin Zim attend la rivière Massacre, déjà enivrée. Déjà enivrée, elle l'attend venir, l'engrosser, je t'attends ivre, déjà ivre déjà. Alors, tu vois, tu vois cela. Tu le vois cet emportement. (...)

13,00 €
Disponible sur commande
EAN
9782846813822
Découvrez également sur ce thème nos catégories Arts , Soldes , Sciences humaines , Santé , Promotions , Papeterie , Littérature , Langues et Scolaire , Jeux-Jouets , BD-Manga , Bons cadeaux Internet , Chèques cadeaux , Emballages , Frais de port , Histoire - Actu - Eco , Jeunesse , Entreprise - Droit - Economie , Loisirs et nature , Sciences , Voyage , Histoire - Actu , Occasions dans la section Livres