Jaurès & Clémenceau. Un duel de géants

Marcus Paul

PRIVAT







Extrait

Prologue Deux géants de la politique. Deux esprits de grande culture. Deux orateurs qui subjuguaient littéralement les parlementaires, dans un hémicycle bondé. Heureuse époque où le temps de parole permettait d'amples développements, car les sujets traités à la fin du XIXe et au début du XXe siècle ne pouvaient pas être débattus en quelques minutes. On y discutait en effet de la République, de la démocratie, des libertés, de la justice, de l'homme, de la société. Jaurès disait : La démocratie, nous en parlons quelquefois avec un dédain qui s'explique par la constatation de certaines misères, de certaines vulgarités. Mais si vous allez au fond des choses, c'est une idée admirable que d'avoir proclamé que dans l'ordre politique et social d'aujourd'hui, il n'y a pas d'excommuniés, pas de réprouvés, que toute personne humaine a son droit. À ceux, et ils étaient nombreux, qui pensaient que le Parlement se perdait en bavardages inutiles, Clemenceau répondait : Gloire aux pays où l'on parle, honte aux pays où l'on se tait. Ces discussions qui vous étonnent, c'est notre honneur à tous. Elles prouvent surtout notre ardeur à défendre les idées que nous croyons justes et fécondes. Ces discussions ont leur inconvénient, le silence en a davantage. Une illustration. Débat des 12, 14, 18 et 19 juin 1906. On y traitait de l'homme, de l'individu, du milieu social, de la collectivité, de la propriété, du droit de grève. Et dans ces séances, on voyait tout à tout Jaurès et Clemenceau déployer tout leur talent de tribun. On avait là deux conceptions parfois proches, la plupart différentes, ponctuées d'envolées oratoires brillantes. À Jaurès qui traçait, avec son immense talent, la cité future dont il rêvait, tout en étant persuadé qu'elle se ferait, Clemenceau répliquait, non moins superbement : Sans cloute vous me dominez de toute la hauteur de vos conceptions socialistes. Vous avez le pouvoir magique d'évoquer de votre baguette des palais de féerie. Moi, je suis le modeste ouvrier des cathédrales qui apporte obscurément sa pierre à l'édifice auguste qu'il ne verra jamais. Au premier souffle de la réalité, le palais de féerie s'envole, tandis qu'un jour la cathédrale républicaine lancera sa flèche dans les deux. Mais ces deux artistes du verbe savaient aussi que, par de l'esprit, il est possible de trouver un apaisement à un débat qui risquerait d'aller de la confrontation à l'affrontement. Clemenceau : Vous n'êtes pas le socialisme à vous tout seul. Jaurès : Ne jouez pas sur les mots. Il y a ici un Parti socialiste. Clemenceau : Il y a des socialistes en dehors de ce parti. Vous n'êtes pas le bon Dieu. [Rires.] Jaurès : Vous, monsieur le ministre, vous n'êtes même pas le diable. [Rires.] Clemenceau : Vous n'en savez rien ! [Rires.] Aux lecteurs et lectrices de ce livre de déterminer qui était le bon Dieu, qui était le diable !



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EAN
9782708969582
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