La désunion française. Essai sur l'altérité au sein de la République

Ollivier Yvon - Ollivro Jean

L'HARMATTAN

Extrait de l'introduction«Le sentiment d'unité est le plus profond et le plus noble de l'esprit humain.»Jean JaurèsÊtre breton en Loire-Atlantique conduit tôt ou tard à penser à cette curieuse identité «ligérienne»"dont on nous affuble en lieu et place de celle qui imprègne notre territoire. Mais ici, c'est moins le fait en lui-même qui interroge que le mur d'indifférence sur lequel s'abattent ces questionnements que l'on dit d'un autre âge. Le constat partagé de l'atteinte aux droits culturels au sein de la patrie des droits, et le faible tracas qu'elle s'en inflige, inclinent à regarder vers les fondations de la construction politique France et les forces qui la travaillent depuis les tout premiers temps. C'est l'ambition de cet ouvrage que de remonter aux sources de l'unité d'une nation qui prétend concilier ses fondations unicitaires - «le principe constitutionnel d'unicité du peuple français» - avec l'exigence démocratique de diversité. Un régime formellement démocratique peut-il faire de l'unicité son principe fondateur et unifiant, sans ruiner le sens de l'altérité et menacer l'unité sociale?Ce questionnement de l'ordre juridico-politique s'impose aux prisonniers des représentations officielles chargées de leur impartir l'idée qu'ils se font d'eux-mêmes. On écrit pour être et se soustraire à l'aliénation qui fait qu'un individu devient «autre» sous le joug d'un système dominateur. En ce sens, ce livre est l'affirmation d'une subjectivité bretonne, une prise de parole par l'un de ceux à qui l'on ne demande rien. Comment ne pas regarder du côté de la vérité qui rassemble lorsque le mensonge, et même le mieux partagé, n'en finit plus de diviser? Si nous sommes assis sur des vérités fausses que d'aucuns voudraient porteuses de sens, il n'appartient qu'à l'homme de sortir de l'apathie qui caractérise nos démocraties modernes. Pour prétendre sauvegarder les fondamentaux de notre culture, la première des vérités fausses dont nous devons nous défaire est celle de l'inexistence alléguée de notre peuple.Mais quel est ce «peuple»? Une «nation primaire», concept forgé par l'Occitan Robert Lafont pour décrire le processus historique de formation des nations secondaires à partir de vieilles nations qui n'en ont pas moins cessé d'être dans les consciences. C'est ce concept dynamique et binaire qui nous résume le mieux et qu'il faudra entendre ici, derrière les appellations de «peuple», «communauté», voire «minorité», que j'emploierai tour à tour. Divers, à la fois différent et comme les autres membres de la nation secondaire auxquels nous relie une destinée commune et ce lien de citoyenneté au nom duquel il nous est prié de disparaître. Si l'on a cru fonder la nation secondaire sur la perte de mémoire, nous n'avons rien oublié de notre histoire, de ses tragédies à l'éclat de nos libertés. L'histoire reste pour nous celle de la longue durée, lorsque l'on voudrait tant la réduire à celle de l'État «bienfaiteur» et incorporant qui règne aujourd'hui sans partage. Confrontés au droit négateur, les Bretons ont opté pour le dépassement par la création, et réussi l'improbable retournement en érigeant leur culture méprisée au rang d'excellence capable de rayonner à l'échelle mondiale. Le contraste en devient chaque jour plus saisissant entre la vitalité de ce peuple conscient de lui-même et sa négation juridico-institutionnelle. Si les élites bretonnes ne furent pas toujours à la hauteur d'une histoire désormais cristallisée dans l'ordre d'une république jacobine, par quelle étrange ironie du sort ce peuple privé de la moindre institution protectrice n'en perdure pas moins dans l'être?"

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EAN
9782296559868
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