Ma vie, son oeuvre

Dans Ma vie, son oeuvre, le dernier roman de Jacques-Pierre Amette, l'écrivain, Icare, meurt dans un bureau de la Fnac de Caen. Une mort subite et symbolique pour signifier que les Fnac participent à la désacralisation du livre dans notre société submergée de produits culturels... Le narrateur, père de famille et dramaturge pour enfants, raconte sa vie et l'aventure de l?oeuvre de son ami Icare, qui prend ses modèles chez les génies tourmentés et tyranniques.
Icare publie trois livres, ce qui est beaucoup pour quelqu'un que Flaubert et « l'ennuyeuse perfection » obsèdent. Édité, il souffre toujours. Et même davantage : dans cet « embouteillage de livres », son oeuvre, qui n'est pas née sans souffrance, est ravalée au rang de marchandise. Lui qui rêve d'être l'égal d'un Hugo devient ainsi esclave des chiffres de ventes, du petit écran, des prix littéraires...
Amette préfère rire de l'état de bouffon qui enferme l?auteur et de la destinée de leurs livres qui s?achèvent souvent chez un soldeur. Romancier et dramaturge à la fois, sa description du monde de l'édition est un chef-d?oeuvre de drôlerie et d'ironie. Hélas, les bonnes comédies sont toujours réalistes ! Mais comment l'écrivain qu'est Jacques-Pierre Amette pourrait-il être absent de ses personnages ? Icare et le narrateur sont comme ses frères. Nés dans la même Normandie que lui, il leur prête ses rêves, ses déceptions, sa mélancolie, ses expériences et, en dépit de tout, son amour pour la littérature.
Ma vie, son oeuvre est donc une comédie née de la réflexion d?un écrivain sur ce qu'est un grand écrivain et la littérature aujourd'hui. C'est le caractère personnel du roman, ce frémissement intime présent dans chaque page qui donne à la comédie toute sa profondeur et à la méditation toute sa valeur et sa beauté. --Ariane Charton--