Traité 50. [Ennéades III, 5

Plotin, le grand philosophe païen de la fin de l'Antiquité (205 - 270 ap. J. -C.), fondateur du néoplatonisme, a écrit une série de traités regroupés par son disciple Porphyre sous le titre Ennéades (ce qui signifie : groupes de neuf, "neuvaines"). Ces traités n'ont longtemps été disponibles en français que dans la traduction datée et imparfaite d'Emile Bréhier aux Belles-Lettres (1924 - 38 ; les trois premiers volumes ont été repris récemment en Budé-poche, sans retouche du texte, sans notes, avec les brèves introductions d'origine), jusqu'à ce que Pierre Hadot lance aux éditions du Cerf un projet de nouvelle traduction des traités de Plotin, publiés cette fois dans l'ordre le plus pertinent, et en fait le seul légitime, qui est l'ordre chronologique de leur composition. De plus, ces nouvelles traductions ont le grand avantage sur la traduction Bréhier de se fonder sur l'édition du texte grec établie par Henry et Schwyzer (1951 - 73, et encore remaniée entre 1964 et 1982), qui en a profondément renouvelé l'approche. Le traité 50 (= Enn. III, 5) est le troisième à paraître dans la collection "Classiques de la philosophie", après les traités 38 (= Enn. VI, 7) et 9 (= Enn. VI, 9) sortis au mois de septembre dernier. Ce qui avait été souligné à ce moment-là mérite d'être rappelé aujourd'hui : cette parution en poche va permettre à un large public cultivé (incluant bien sûr au premier chef les enseignants de philosophie, et les étudiants en philosophie, sans oublier les élèves de terminale littéraire) d'accéder à cet auteur majeur de l'Antiquité dans l'édition de référence, réalisée par les soins du plus grand spécialiste actuel, Pierre Hadot. Comme pour les traités 38 et 9, cette édition du traité 50 comporte une traduction précise et claire, mais également un riche appareil critique (introduction, notes à la traduction, commentaire linéaire, index français et même grec). Le traité 50 développe une méditation sur l'Amour, qui se situe aux confins du mythe et de la philosophie. Retrouvant les accents du personnage de Diotima dans le Banquet de Platon, Plotin s'efforce de percer à jour la nature insaisissable de l'Amour. C'est l'occasion d'une profonde méditation, amplifiant celle de Platon, sur notre rapport au divin, et sur notre désir d'immortalité. Ni un dieu, ni un état de l'âme, l'Amour véritable se révèle être un démon, ce bon démon qui aiguillonne l'âme et l'élève intérieurement vers le monde intelligible et les dieux. En des pages très belles, Plotin peut alors évoquer la conception d'Eros, par la mendiante Pauvreté abusant de Richesse, ivre de nectar, le jour de la naissance d'Aphrodite. C'est un magnifique tableau allégorique, riche d'implications métaphysiques, qui est ainsi mis en place, et qui marquera d'ailleurs profondément la pensée, et la peinture, de la Renaissance. On peut dire que le traité 50 complète les traités 9 et 38, non seulement sur le plan doctrinal (ces traités évoquaient l'Eros qui pousse l'âme, sans en explorer la nature), mais aussi sur le plan de l'inspiration littéraire : le traité 50 révèle dans Plotin un philosophe qui est aussi un grand écrivain, mettant au service de la pensée le mythe et l'allégorie. L'auteur de cette édition du traité 50 de Plotin est Pierre Hadot, Professeur honoraire au Collège de France, dont les travaux dans le domaine de la philosophie néoplatonicienne, et bien plus largement de la philosophie antique, font autorité dans le monde entier. Son livre Qu'est-ce que la philosophie antique ? l'a révélé à un large public, et ses thèses sur la philosophie comme mode de vie suscitent aujourd'hui un grand intérêt et un vaste débat. Rappelons enfin que Plotin est l'un des trois auteurs au programme de l'Agrégation de philosophie pour la session 1999 - 2000.