La province antiquaire. L'invention de l'histoire locale en France (1800-1870)

Parsis-Barubé Odile - Boutry Philippe

CTHS EDITION

L'histoire dans le réaménagement de l'imaginaire de l'espace sous le Consulat et l'EmpireLes dernières décennies du XVIIIe siècle avaient vu se développer une historiographie provincialiste, soucieuse de démontrer la haute ancienneté des privilèges institutionnels dont jouissaient, en particulier, les pays d'états. La Révolution de 1789, en créant les départements, a fait voler en éclats la raison d'être de cette première forme d'écriture historienne du particulier.Vidées de toute substance institutionnelle par les réformes de la Constituante, rayées de la carte administrative nationale, les provinces, au début du XIXe siècle, se transmuent en lieux de mémoire. Dans l'éclair de ce basculement qui fait naître de leur disparition même la province, elles se prêtent à de multiples formes de réappropriation historique. Territoires de l'étrangeté où se déploie une première forme de curiosité ethnographique pour ces moeurs et usages populaires dont les fondateurs de l'Académie celtique tentent, en 1807, d'ordonner le recensement, territoires de la nostalgie où les voyages «pittoresques et romantiques» inscrivent les zigzags d'itinéraires en forme de pèlerinages dans une ancienne France regardée comme un champ de ruines, les provinces s'installent dans l'imaginaire collectif de l'espace et du temps comme les cadres naturels de l'enregistrement et de l'évocation sensible des souvenirs historiques.Leur substituer le département ne relève pas que d'un simple acte administratif. Sous le Consulat et l'Empire, se met en place une pédagogie destinée à ancrer les nouvelles circonscriptions d'exercice du pouvoir dans les esprits, les habitudes quotidiennes et la culture du temps. Elle sollicite l'ensemble des sciences de la mesure et de la description du territoire en même temps qu'elle convoque, pour les reconstruire selon des logiques nouvelles, les grandes phases d'une histoire désormais destinée à proclamer l'obsolescence du rêve particulariste.Dans l'espace national, unificateur et égalitaire, qui s'invente ainsi au gré des descriptions départementales dont l'époque se montre si généreusement pourvoyeuse, la mémoire des provinces devient un obstacle. Les stratégies de contournement dont elle est l'objet ouvrent la voie au processus de miniaturisation de l'observation par lequel l'histoire, s'attachant désormais à des fractions de territoire plus aptes à se prêter au classement des faits et des notions, devient véritablement «locale».C'est à l'étude de ce cheminement qui conduit au désamorçage des problématiques provincialistes, à l'instrumentalisation de l'histoire dans la genèse d'un imaginaire départemental puis à son inscription dans la statistique de l'époque impériale, qu'est consacré le présent chapitre. Cheminement dans les esprits, mais aussi dans les lieux - académies de province restaurées à partir du Directoire et secrétariats généraux des préfectures - où se redéfinit la place de l'érudition dans l'univers des savoirs et où se réinvente, sur des bases nouvelles, une culture de la correspondance et du réseau.

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EAN
9782735507405
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