Oeuvres. Tome 2, L'outrage aux mots
Noël Bernard
POL
Ce titre implique-t-il que je me reconnaisse, non pas dans ces deux mots, qui sont également représentatifs d'une vieille adhésion, mais dans la manière dont cette expression les lie l'un à l'autre? Cette liaison me gêne, d'une part pour la raison qu'il faut la fonder avant de l'affirmer, et de l'autre parce que je n'ai en moi aucune assurance de jouir de l'unité intérieure qui lui correspondrait. C'est que je ne crois pas à l'unité de mon propre «je», laquelle n'existe que dans les actions qui, passagèrement, la réalisent. Mon «je» est une figure de rhétorique qui doit toute sa place à l'insistance de son emploi par le langage courant. Chaque individu se croit «je» alors que l'existence de «je» dépend d'un engagement éphémère et de la façon de le prendre.
L'individualité naturelle et sociale dont chacun de nous est pourvu ne me paraît pas suffisante pour justifier le «je»: elle va tellement de soi qu'elle n'exige même pas d'être assurée par l'engagement minimum que serait la prise de conscience du lieu organique et charnel nommé «je». Ajoutez à cela que notre tradition, tout en reposant sur «le mystère de l'incarnation», n'a cessé d'en rejeter la pratique au profit d'une spiritualité désincarnée. Et, pire encore, «désincarnante», avec pour conséquence que «je» est un mot si commun qu'il ne doit son sens qu'à sa fréquence.
Vers la fin de mon adolescence, et à contre-courant de cette normalité, s'est imposée la nécessité d'un retour au corps - ou plutôt dans le corps - tant le sentiment de la désincarnation provoquée par l'éducation religieuse et la norme générale devenait insupportable. Dès lors, à force de reprises plus ou moins obstinées, cette conscience est devenue un exercice volontaire de perception du soubassement organique de toutes mes activités, et principalement de la pensée qui cherchait (et cherche toujours) à saisir son émanation interne, sa sueur peu à peu lumineuse. Ce processus de réintégration charnelle a trouvé sa confirmation, sans doute paradoxale, dans et par l'écriture, et celle-ci en a sanctionné la révélation. Quelle fut la nature exacte de l'expérience à l'origine des Extraits du corps, je n'en sais rien soixante ans plus tard sinon que j'eus alors la conviction d'avoir reproduit littéralement des états physiques et, donc, mis du corps dans l'écriture et non pas seulement sa représentation. Cependant, au lieu d'une ouverture confirmant l'avancée, ce fut le silence. Un silence d'une dizaine d'années au bout desquelles l'écriture devint mon activité ordinaire et le corps son lieu de référence dans un rapport toujours méfiant.
| EAN | 9782818013649 |
|---|---|
| Titre | Oeuvres. Tome 2, L'outrage aux mots |
| Auteur | Noël Bernard |
| Editeur | POL |
| Largeur | 151mm |
| Poids | 942gr |
| Date de parution | 21/04/2011 |
| Nombre de pages | 688 |
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